Permanence des soins, désertification médicale... Le Sénat a adopté mercredi, sans enthousiasme, une proposition de loi sensible sur l'accès aux soins, actant notamment un rééquilibrage entre établissements publics et privés sur la question des gardes de nuit et de week-ends, insuffisant selon la gauche.
Pendant deux jours, le gouvernement et les parlementaires ont joué un jeu d'équilibriste dans l'hémicycle de la chambre haute, en pleine période de relance des négociations conventionnelles avec les syndicats de médecins libéraux sur une revalorisation tarifaire.
Responsabiliser les médecins dans les territoires sans attiser leur colère, lutter contre les déserts médicaux sans décourager les futurs soignants... Le dilemme était complexe et tous les bancs sont restés sur leur faim.
Le président (Les Républicains) de la commission des Affaires sociales Philippe Mouiller a regretté "une litanie de mesures" ne "réglant pas l'enjeu fondamental" de l'accès aux soins.
A gauche, le sénateur socialiste Patrice Joly a même appelé le gouvernement "au secours": "Entendez le désarroi des populations abandonnées" dans les déserts médicaux, a-t-il lancé.
Les sénateurs ont finalement adopté à 235 voix pour et 80 contre (celles des socialistes et communistes) ce texte du député Frédéric Valletoux (Horizons), surveillé avec une grande vigilance par les praticiens qui craignaient des mesures coercitives.
Même si le parcours de cette proposition de loi n'est pas terminé - sénateurs et députés doivent désormais trouver un compromis en commission mixte paritaire -, les médecins pourront être rassurés: le Sénat a largement épuré ce texte par rapport à la version de l'Assemblée nationale, sans intégrer de dispositif majeur de régulation.
- Contraintes et volontariat -
Sur le dossier tendu des gardes de nuit et de week-ends, la majorité sénatoriale de droite et du centre et le ministère de la Santé se sont notamment accordés sur un dispositif visant à permettre aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) de désigner les établissements privés et leurs soignants pour qu'ils assurent ces permanences.
Néanmoins, cette désignation se fera seulement après consultation des établissements de santé, "en dernier recours" et en cas de "carences persistantes". Quant au déplacement d'un praticien dans un établissement autre que le sien, il se fera sur la base du volontariat, notion initialement absente dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.
"Le principe que l'on pose, c'est de laisser les établissements s'organiser" entre eux sur la permanence des soins, a expliqué le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.
Le ministre est sur un fil sur ce dossier, "l'un des sujets de crispation les plus puissants dans la reprise de la négociation" de son propre aveu.
Les groupes de gauche ont souligné le manque d'ambition de cette mesure, alors qu'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) faisait état en 2021 de gardes assurées à plus de 80% par le secteur public, dans un système sanitaire sous tension, avec 87% du territoire considéré comme un désert médical.
"Le volontariat des médecins ne suffit pas", s'est indignée l'écologiste Anne Souyris, dont le groupe s'est abstenu. "Il n'y a pas d'ambiguïté sur le fait qu'il y a bien une portée contraignante sur les professionnels", lui a rétorqué le ministre.
Mardi, après un débat nourri, le Sénat avait déjà fermé la porte à des mesures de régulation de l'installation des médecins pour lutter contre les déserts médicaux, un sujet également âprement discuté à l'Assemblée en juin et proposé par Emmanuel Macron dans son programme en 2022.
Le gouvernement comme la rapporteure Corinne Imbert (apparentée LR) étaient défavorables à ces mesures coercitives, jugées "contreproductives".
Les parlementaires ont toutefois validé quelques mesures, comme l'expérimentation d'une option santé au lycée dans les déserts médicaux, la restriction de l'intérim en début de carrière ou le remplacement du certificat médical pour congé enfant malade par une attestation sur l'honneur.