Kezon, 20 ans, est classé parmi les premiers de sa promo. L’étudiant originaire de l’Ain poursuit sa deuxième année de formation professionnelle en alternance dans une école d’informatique privée de Lyon. Sorti tôt du système scolaire, il a travaillé à l’usine dès ses 16 ans. Trois ans plus tard, il a décidé de reprendre là où il s’était arrêté. Et c’est le revenu solidarité jeunes (RSJ), expérimenté par la métropole de Lyon depuis deux ans, qui lui a permis de rebondir. En juin, il devrait obtenir sans encombre son diplôme de développeur d’applications web. Et certainement être embauché dans la foulée. Dans son secteur, les offres d’emploi sont plus nombreuses que les demandes, avec des salaires allant de 2 000 euros net par mois pour un débutant à 4 000 euros pour un confirmé.
Un revenu auquel le jeune homme n’aurait pas espéré prétendre auparavant. «Je suis allé à la mission locale, on m’a proposé le RSJ, ça m’a permis de faire une première formation de quatre mois, de payer le transport et de pouvoir manger sans avoir à bosser à côté», explique celui qui loge chez ses parents. Il a fallu surmonter le «choc des cultures» : «Au début, c’était compliqué d’être assis, de ne rien faire physiquement, je n’avais plus l’habitude. Et je n’avais plus trop de notions de français non plus, j’ai dû tout réapprendre, retrouver un niveau.» Passé ce cap, il s’est engagé dans une seconde formation de deux ans, financée cette fois-ci grâce à l’alternance.
«Combler les trous»
Kezon a été l’un des 2 000 bénéficiaires du RSJ depuis sa création en juin 2021. Ce dispositif se destine à des jeunes déscolarisés de 18 à 24 ans, Français ou étrangers en situation régulière et résidents de la métropole depuis au moins six mois, sans soutien financier et échappant aux dispositifs existants, notamment le revenu de solidarité active (RSA), qui n’est accessible qu’à partir de 25 ans. S’ils n’ont aucune ressource, les demandeurs peuvent percevoir 420 euros par mois, et 315 euros si leurs revenus d’activité n’excèdent pas 400 euros mensuels. La durée de cette allocation est de trois mois, renouvelable jusqu’à deux ans de manière continue ou non.
«Le RSJ ne vient pas en concurrence des dispositifs existants mais doit servir à combler les trous que l’on constate, soulignait à son lancement Bruno Bernard, le président Les Ecologistes de la métropole. Il est conçu pour être temporaire, un jeune dont l’objectif dans la vie est de gagner 400 euros, ça n’existe pas, n’importe lequel a envie de trouver un boulot, de s’insérer.» L’histoire d’Elise, 24 ans, en témoigne. Après une licence en sciences de l’éducation et une première année de master en ingénierie pédagogique, elle a créé son entreprise de formation en réalité virtuelle. Mais après deux ans d’un rythme effréné, un problème de santé l’a brutalement alitée. «J’ai été hospitalisée pendant six mois, mes économies étaient épuisées, j’étais dans l’incapacité de travailler et je n’avais pas droit au chômage», retrace-t-elle.
Affiner les priorités
Sans soutien familial, la jeune fille a failli perdre son appartement à Lyon. Le RSJ lui a permis de «payer le loyer», de «pouvoir souffler» tout en étant reconnue en situation de handicap. Bénéficiaire durant sept mois, Elise, douée pour le dessin, s’est réorientée vers une formation aux beaux-arts et vise désormais l’enseignement artistique, «dans un milieu salarié, avec moins de stress». «Je ne voulais pas dépendre des aides trop longtemps, ça a été un tremplin dans un moment de gros creux.» Depuis sa création, le RSJ a bénéficié chaque mois en moyenne à près de 600 jeunes, dont 43 % de femmes et 57 % d’hommes. Entre 2021 et 2023, la métropole de Lyon a dédié 10 millions d’euros à ce répit pour les plus précaires. Ce financement va être prolongé à hauteur de 4,6 millions d’euros pour cette troisième année.
La collectivité souhaite affiner ses priorités, afin de renouveler ce «soutien à la jeunesse en précarité, en l’absence de solidarité au niveau national, et particulièrement impactée par l’inflation et par la crise sanitaire». Une attention particulière va être portée aux jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance, qui souffrent souvent de la rupture de leur accompagnement économique, social et éducatif à leur majorité. D’autres «invisibles» sont visés : les jeunes entrepreneurs, les personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ainsi que celles se trouvant en situation de handicap. En parallèle de l’insertion professionnelle, l’accent est mis sur l’accès aux droits et aux soins, l’aide à la mobilité et le logement, notamment pour les personnes sans solution d’hébergement. A ce jour, 17 % des allocataires du RSJ sont sans domicile fixe ou stable.