Payer ses courses avec une carte vitale de l’alimentation ? L’idée est loin d’être neuve en France, mais depuis que la pandémie a mis en lumière une insécurité alimentaire croissante et un système agroalimentaire qui peine à garantir une alimentation durable, saine et accessible pour tous, les initiatives se multiplient sur le territoire, comme à Montpellier dans l’Hérault ou à Cadenet dans le Vaucluse. C’est le cas également en Gironde, où le département, la ville de Bordeaux et le collectif Acclimat’action, qui prône «une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous», planchent depuis janvier sur une expérimentation de Sécurité sociale de l’alimentation, qui devrait voir le jour en 2024.
Leur objectif commun : rendre possible et effectif le droit à l’alimentation, au nom de la dignité et de la justice sociale. «Il y a urgence à aider les gens à mieux se nourrir. On fera tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette expérimentation aboutisse à une proposition politique structurante, qu’elle dépasse le cadre local pour servir l’intérêt général», plaide David Fimat, membre d’Acclimat’action. En France, une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie publiée en mai révélait que 16 % des Français ne mangent pas à leur faim.
Concrètement, le dispositif donnerait accès à des produits conventionnés dans un réseau de distribution (épiceries sociale et solidaire, commerces de proximité, producteurs…) pour un montant d’environ 150 euros par mois et par personne. Le financement se baserait sur les cotisations sociales des bénéficiaires, «selon les moyens de chacun», dans un esprit solidaire. «Ça pourrait être une carte, un chèque prépayé, de la monnaie numérique… L’outil en lui-même reste à définir. L’expérience devrait durer un an et concerner un échantillon de 400 bénéficiaires», détaille Jean-Luc Gleyze, président socialiste du département.
Si les contours du projet restent encore à dessiner d’ici la fin de l’automne, quatre territoires tests ont déjà été retenus dans le département : Bordeaux, Bègles (commune limitrophe) et deux autres zones plus rurales, Captieux et Sainte-Foy-la-Grande. Dans chacune de ces communes, un comité de dix citoyens, constitué en grande majorité de personnes en situation de précarité et de gens engagés dans le secteur associatif, a pour mission de produire une charte de conventionnement pour répondre à ces grandes questions : types de produits, critères sanitaires, environnementaux, nutritionnels… Et côté gestion : financement, mode de prise de décision, mode de représentation, périmètre géographique… «Il n’y a pas eu de tirage au sort pour ces comités. On a cherché des volontaires et, pour sortir de l’entre-soi militant, on est aussi allés chercher des personnes qui avaient pu être déçues par d’autres expériences démocratiques, insiste David Fimat. Avec l’assurance, cette fois-ci, qu’ils seront partie prenante et auront un retour détaillé sur leurs actions.»