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Pourquoi le Honduras veut établir ses relations diplomatiques avec la Chine au détriment de Taïwan

La présidente du Honduras a annoncé ce mardi 14 mars son intention d’établir des relations diplomatiques formelles avec Pékin, impliquant logiquement la rupture des relations avec Taipei. À Taïwan, beaucoup relativisent la portée de l’annonce.

La nouvelle a fait la Une des médias taïwanais. Le mardi 14 mars, Xiomara Castro de Zelaya, présidente du Honduras élue en janvier 2022, a annoncé dans un tweet son souhait d’établir des relations diplomatiques avec la Chine. « C'est un signe de ma détermination à poursuivre les plans du gouvernement », a justifié dans son message la dirigeante, qui avait déjà annoncé ses intentions lors de la campagne présidentielle de 2021.

Si elle est mise en œuvre, une telle décision impliquerait de fait la rupture des relations officielles du Honduras avec le gouvernement taïwanais. La Chine refuse en effet qu’un pays entretienne conjointement des relations diplomatiques avec Pékin et Taipei. « Nous appelons le Honduras à ne pas tomber dans le piège tendu par la Chine », a fustigé le gouvernement taïwanais.

L’annonce est le dernier acte d’un bras de fer diplomatique entre Taïwan et la Chine, qui cherche à isoler diplomatiquement l’archipel démocratique de 24 millions d’habitants qu'elle revendique. Depuis l’élection de la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen en 2016, fermement opposée à une annexion chinoise, Taipei a perdu huit de ses alliés officiels, et ne peut compter aujourd’hui que sur 14 alliances diplomatiques.

La diplomatie du portefeuille

Dans ce contexte, la diplomatie du portefeuille est le plus grand atout de Pékin. Mercredi 15 mars, dans une interview télévisée, la ministre des Affaires étrangères du Honduras a confirmé que la décision était liée au refus de Taïwan de « doubler son aide financière » au Honduras. En face, la Chine a déjà financé deux projets de barrage au Honduras, le Patuca II, inauguré en 2021, et le Patuca III, en projet.

Le timing de l’annonce a néanmoins étonné la presse taïwanaise. Plus d'un an après l'investiture de la présidente hondurienne, l’annonce intervient à quelques mois de l'élection présidentielle taïwanaise de janvier prochain. Auditionné mercredi devant le Parlement, un responsable des renseignements taïwanais a dit « ne pas exclure » la possibilité de pressions accrues de la Chine sur le Honduras en représailles à la visite prochaine de la présidente taïwanaise aux États-Unis, vue d’un très mauvais œil par Pékin.

« Je pense que le Honduras cherche à mettre la pression sur Taïwan pour demander davantage d’argent, analyse pour sa part Kung Kwo-wei, directeur de l'institut d’étude sur l’Amérique latine de l’université Tamkang de Taipei. Si la présidente hondurienne avait voulu établir rapidement des relations avec Pékin, les discussions auraient eu lieu en privé, et non avec une annonce sur Twitter. » 

Une annonce à nuancer côté taïwanais

En dehors du Kuomintang, principal parti d’opposition favorable à un rapprochement avec Pékin, beaucoup à Taïwan nuancent la portée de l’annonce hondurienne. Dans les faits, ce n’est ainsi pas Taïwan à proprement parler qui perdrait à nouveau un allié diplomatique, mais la République de Chine. Le régime défait en Chine en 1949 par l’armée de Mao constitue aujourd’hui la « coquille » constitutionnelle de Taïwan.

« Du point de vue de l’ancien parti-unique du Kuomintang, nous sommes encore censés représenter l’ensemble de la Chine, ce qui est absurde, estime le professeur Chen Fang-Yu, professeur à l'université Soochow et militant démocrate. Nous devons sortir de ce mythe de la compétition avec la Chine communiste sur le nombre des relations diplomatiques, car nous n’avons pas les moyens financiers pour suivre. Et nous devrions expliquer qu’une rupture des relations diplomatiques ne doit pas conduire à l’abandon de relations informelles avec Taïwan. »

Les derniers alliés diplomatiques de Taïwan restent précieux pour l'archipel. Ils lui permettent par exemple de faire porter sa voix au sein des institutions internationales, où Taipei ne dispose d’aucun siège en raison des pressions de Pékin. Pour l’heure, les treize autres alliés diplomatiques de Taïwan pourront sans encombre continuer à remplir ce rôle.

Les relations diplomatiques entre Taïwan et les États-Unis

« Dans le cas du Honduras, l’influence des États-Unis était cruciale pour maintenir la relation avec Taipei, mais l’influence américaine s'effrite en Amérique centrale, poursuit le professeur Kung Kwo-wei. Pour conserver les alliés qui nous restent, comme Haïti, le gouvernement taïwanais ne pourra compter que sur la qualité de la relation. » 

Mais Taïwan sait que la bataille pour son droit à l’existence se joue avant tout sur d'autres fronts. Les États-Unis, où la présidente taïwanaise Tsai Ing Wen doit se rendre le mois prochain, ne cessent de réaffirmer leur engagement « solide comme un roc » envers Taïwan. Selon Reuters, le Royaume-Uni a donné l’an dernier l’aval à des transferts de technologie militaire d’un montant historique vers Taïwan. Et en Europe de l’Est, les marques de soutien à Formose se multiplient.

« Ces dernières années, la politique étrangère taïwanaise a évolué, et se concentre moins sur ses alliés diplomatiques que sur des partenariats avec des pays partageant des valeurs communes, note dans une tribune le journaliste taïwanais Xu Wei-Ting, correspondant pour l'agence de presse taïwanaise à Washington. Dans ce contexte, la décision du Honduras n’aura que des effets limités sur Taïwan. »

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