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Vladimir Poutine et l'impact des sanctions en Russie: «Il rejoint le consensus des économistes»

Le président russe, Vladimir Poutine, a déclaré mercredi 29 mars que les sanctions internationales visant Moscou pour son offensive en Ukraine « peuvent » avoir des conséquences négatives à moyen terme sur l'économie de son pays, après avoir pourtant affirmé ces derniers mois que la Russie s'adaptait à cette nouvelle conjoncture. Entretien.

Agathe Demarais est directrice des prévisions mondiales de l'Economist Intelligence Unit (EIU), le centre de recherche indépendant du magazine The Economist. 

RFI : Le président russe parle des conséquences à moyen terme sur l’économie de son pays. De quels effets parle-t-il et qu’en est-il réellement ?

Agathe Demarais : Les effets dont Vladimir Poutine parle sont en fait bien documentés, mais effectivement il a passé l'année précédente à essayer de les nier.

En réalité, il paraît difficile de nier le fait que les sanctions occidentales vont avoir un effet important sur l'économie russe à moyen et long terme, en la privant d'accès aux technologies dont la Russie a besoin pour extraire et ensuite exporter du gaz et du pétrole, mais également en privant la Russie d'accès à des technologies occidentales puisque ce sont les entreprises occidentales qui étaient les grands fournisseurs de technologie et d'innovation en Russie, également.

L'une des questions qui sera difficile de résoudre pour le pouvoir russe, c'est l'exode d'une partie de la main-d'œuvre la plus qualifiée suite à l'invasion de l'Ukraine. Et enfin, tout cela s'ajoute à de grands défis démographiques, de faible croissance de la productivité et de croissance atone depuis bien avant le début de l'invasion de l'Ukraine, et les sanctions contre la Russie ne vont faire qu'accentuer ce phénomène. 

► À écouter aussi : Comment les sanctions affectent-elles la Russie ?

C'est la première fois que Vladimir Poutine admet publiquement que de nombreux secteurs d'activité en Russie sont touchés. Pour quelle raison le fait-il maintenant ?

C'est une grande question et c'est effectivement une surprise. On n'a pas la réponse à cette question, lui seul sait pourquoi il fait ses déclarations. Mais il rejoint en fait le consensus des économistes internationaux qui disent depuis assez longtemps que les sanctions ont un effet sur l'économie russe et que cet effet sera particulièrement important à moyen et long terme.

Cela fait probablement partie de la stratégie russe. C'est-à-dire que le pouvoir russe a fait de la désinformation économique un outil dans sa guerre informationnelle contre les pays occidentaux et contre leurs sanctions. L'idée est de dire que les sanctions ne marchent pas, puisque l'économie russe va très bien, en utilisant des statistiques qui sont en fait peu fiables.

Par exemple, quand on prend les statistiques du chômage, effectivement le chômage en Russie est autour de 4% et est resté stable depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que les entreprises russes ne licencient quasiment jamais. Lorsqu'elles rencontrent des difficultés, elles donnent des congés sans solde à leurs employés, donc il n’y a pas de hausse du chômage mais des employés qui ne sont pas payés, même s’ils sont de facto au chômage.  

Ce n’est pas la première fois que les autorités russes utilisent les statistiques comme moyen de communication ?

Pour les Russes, les statistiques sont un outil de désinformation important. Après, ce qui est clair, c'est qu'un certain nombre de secteurs économiques en Russie sont dans une situation très difficile. On pense notamment au secteur de l'automobile qui est une parfaite illustration de la situation. On a vu un effondrement de la production d'automobiles l'an dernier en Russie, d'environ 70%.

Pourquoi ? Parce qu'il y a eu un effondrement de la demande des ménages qui généralement achètent des voitures quand ils sont optimistes. Par ailleurs, on observe un manque d'accès à des composants occidentaux pour construire les voitures, donc celles qui sont aujourd'hui toujours construites en Russie, c’est un petit peu le retour à la Lada, elles sont sans ABS et sans airbag.

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