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Turquie: à Antakya, trois semaines après le séisme, c'est toujours le chaos

Trois semaines après le violent séisme qui a touché le sud de la Turquie et la Syrie voisine, plus de 2 millions de personnes ont quitté la zone sinistrée. Certaines villes, comme Antakya, dans la région du Hatay, l’une des provinces les plus touchées, se sont vidées de leurs habitants, partis se réfugier dans des villes plus au nord. 

De notre envoyée spéciale à Antakya,

Le regard dans le vide, sueur au front, Ahmed sort un à un les meubles de son ancien appartement. Une vieille horloge, un aquarium fissuré, une bibliothèque éventrée, il veut tout récupérer avant de quitter définitivement la ville.  « Nous essayons de sauver ce que nous pouvons, affirme-t-il. La plupart des meubles et des objets ont été endommagés, voire complètement cassés, car tous les murs de l’appartement sont tombés lors du séisme. Mais nous les récupérons quand même, parce que pour le moment, nous n'avons aucun autre moyen d’acheter des meubles. »

Deux rues plus loin, même scène, même inquiétude. Il faut rentrer puis sortir au plus vite de l’appartement pour éviter d’être mis en danger lors des répliques. Ali et sa mère, Sürme, ont juste pris le temps de récupérer quelques photos. « Ma mère a eu tellement d’élèves, se souvient-il. On ne sait pas combien sur cette photo sont en vie aujourd’hui. On a fui la ville la première nuit après le séisme, c’est la première fois qu’on revient. C’est terriblement triste. On avait vu que quelques bâtiments s’étaient écroulés quand on a quitté la ville, mais pas à ce point. On a grandi ici, tous nos souvenirs sont dans cette rue. J’espère pouvoir voir cette ville vivre à nouveau, pouvoir retourner dans les restaurants, les musées. Puisque nous sommes en vie, nous devons revenir et faire renaître cette ville. »

Turquie, Antakya, le 21 février 2023.
Turquie, Antakya, le 21 février 2023. REUTERS - CLODAGH KILCOYNE
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Faire renaître Antakya, ville morte. Les habitants sont aujourd’hui partis, les rues sont vides et il ne reste plus que des immeubles détruits, des bulldozers. Et des militaires à chaque coin de rue, pour surveiller les allers et venues. « Vous voulez passer, c’est ça ? Il faut d'abord que je demande à mon commandant, je n’ai pas le choix, vous pourrez entrer ensuite, mais seulement si vous avez une autorisation », dit l’un d’eux.

« Il y a des morts dans les bâtiments, mais on ne les cherche plus » 

Au milieu des ruines, de rares habitants sont restés. Certains par peur des pillages, d’autres parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se payer l’essence pour partir. Chez Mert, ils sont huit à vivre dans une petite tente installée dans le jardin. « Bien sûr, il y a des gens qui ont fui, ceux qui sont riches. Ils ont pu partir à Antalya, à Izmir, ou à Ankara. Et même s’acheter une maison là-bas ! Mais nous n’avons pas d’argent, alors nous sommes bloqués ici », déplore-t-il. 

Turquie, Antakya, le 21 février 2023 : Mustafa Kazzaz, originaire de Syrie, fait partie de ceux qui n'ont pas eu les moyens de fuir. Il campe au milieu des ruines de l'immeuble dans lequel toute sa famille a perdu la vie lors du séisme début février.
Turquie, Antakya, le 21 février 2023 : Mustafa Kazzaz, originaire de Syrie, fait partie de ceux qui n'ont pas eu les moyens de fuir. Il campe au milieu des ruines de l'immeuble dans lequel toute sa famille a perdu la vie lors du séisme début février. REUTERS - CLODAGH KILCOYNE

Pour aider ces quelques familles, des volontaires se sont installés entre deux immeubles détruits. Tulug est arrivée au lendemain du séisme. Elle regrette que le gouvernement soit plus préoccupé par la démolition de la ville que par le relogement des habitants : « Les gouvernants laissent tomber très vite la vie. Cet endroit, ils pensent que c’est un grand chantier. Ils n’ont pas envoyé les équipes de recherche, mais ils ont envoyé les machines à démolir. Il y a des morts dans les bâtiments, mais on ne les cherche plus. »

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Selon Serpil Kemalbyan, député du parti d’opposition pro-kurde HDP, les habitants déplorent le manque de transparence sur la reconstruction. « Ils ont peur, car peut-être le gouvernement va prendre des décisions qui vont à leur encontre, déclare-t-il. Par exemple détruire leur immeuble, ou bien les forcer à aller se réfugier dans des villages très loin d’ici. Ils veulent garder leur maison, leur culture, leur voisin. Ils ne veulent pas changer totalement de vie. » 

Selon la présidence turque, au moins 2 millions de personnes auraient quitté les régions sinistrées par leurs propres moyens depuis trois semaines. Quelque 1,5 million sont aujourd’hui à la rue, dans des tentes pour la plupart.

Antakya, Turquie, le 21 février 2023: des immeubles ont miraculeusement échappé à la destruction du séisme du 6 février et des répliques qui ont suivi.
Antakya, Turquie, le 21 février 2023: des immeubles ont miraculeusement échappé à la destruction du séisme du 6 février et des répliques qui ont suivi. AP - Unal Cam