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Tanker FSO Safer à l’abandon: «Une bombe à retardement» au large du Yémen, alerte l'ONU

Le FSO Safer, un supertanker chargé de plus d’un million de barils de pétrole, est à l’abandon au large du Yémen depuis le début de la guerre en 2015. Le 9 mars, l’ONU annonçait l’achat d’un gigantesque navire-citerne pour éviter que le pétrolier ne sombre en mer Rouge. David Gressly, coordinateur onusien de l’aide humanitaire au Yémen, répond à RFI.

RFI : Pourquoi parler d’une « bombe à retardement » au large du Yémen 

Le FSO Safer est un navire de stockage de pétrole qui se trouve au large du port d'Hodeida depuis 1988. À l’origine, il servait à faciliter l’exportation de pétrole dans l'Est du Yémen. Mais depuis le début de la guerre, il y a huit ans, il est à l’abandon avec à son bord 1,1 million de barils de pétrole. Le navire n’est plus entretenu et il se dégrade. 

►À lire aussi : Yémen: l’inquiétude grandit face au risque de marée noire en mer Rouge

Normalement, ces bateaux sont équipés de systèmes pour limiter les risques d’incendie : on diffuse des « gaz inertes » dans les cuves de cargaison. Seulement voilà, ce gaz a disparu à bord depuis au moins quatre ans. Cela veut dire que la moindre flamme, la moindre étincelle peut faire exploser le navire, le faire sombrer et relâcher dans l’océan l’équivalent de plus d’un million de barils de pétrole. Sans compter que faute d’entretien, le navire est devenu fragile et menace aussi de se briser. 

Le risque de catastrophe est énorme. On est face à un risque de marée noire qui pourrait toucher des pays d’Afrique, l’Érythrée, la Somalie, Djibouti et bloquer le détroit de Bab-el-Mandeb. Cette catastrophe peut se produire demain. C’est très grave, parce qu’il ne s’agit plus de savoir si cette catastrophe va arriver, mais quand est-ce qu’elle arrivera. C’est pour cela que nous devons donc agir.

Le 9 mars, le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) annonçait un plan pour éviter cette catastrophe, avec l’achat d’un immense navire-citerne, destiné à décharger la cargaison du pétrolier. Comment va se dérouler cette opération ?

La mission est très simple. Nous avons trouvé un navire via la compagnie Euronav pour décharger le pétrole stocké à bord du FSO Safer. Cependant, il nous faut aussi préparer l’opération. Pour cela, nous travaillons avec une société néerlandaise. Sa mission va être de rétablir à bord du pétrolier ces gaz inertes qui visent à limiter le risque d’incendie. 

Cette société va aussi être chargée de réparer le pétrolier là où c’est nécessaire, d’installer des barges flottantes tout autour pour éviter toute fuite ou déversement accidentel de pétrole. Les opérations doivent durer au total dix semaines. Ce n’est pas très compliqué en termes de logistique, mais c’est un projet d’envergure. Et nous, nous devons le réaliser au plus vite pour éviter une catastrophe.

Le problème, c’est que les fonds manquent encore ?

C'est exact. Nous avons assez de fonds pour financer le navire qui déchargera le pétrole mais on manque encore d’argent pour mener l'opération de sécurisation. C’est pour cela que l’on sollicite les États membres et le secteur privé. Nous avons déjà réuni environ 95 millions de dollars. 

Et nous avons lancé une campagne de financement participatif en ligne qui nous a permis d’atteindre 250 000 dollars, soit un quart de notre objectif. Ce n’est pas encore suffisant. C’est pour cela qu’avec ce nouveau tour de table, nous espérons pouvoir réunir 250 000 dollars supplémentaires et atteindre la moitié de notre objectif. Cela nous permettra ainsi de résoudre ce problème au plus vite, et nous devons réunir ces fonds rapidement.

Dans le même temps, la guerre continue de faire rage au Yémen. Et là aussi, l’ONU a besoin des fonds. La dernière conférence des donateurs, le 27 février à Genève, avait réuni 1,2 milliard de dollars de promesse de dons. C’est presque quatre fois moins que ce qui était espéré. Aujourd’hui, où sont les priorités ?

Il y a tout d’abord la question de l'insécurité alimentaire aggravée par une situation économique très difficile. Des milliers d'entreprises ont disparu avec le conflit, laissant des personnes sans revenus. Les services publics, les accès à l’eau et à la santé doivent être maintenus. Si nous ne le faisons pas, ces services risquent de s'effondrer et seront très difficiles à rétablir. 

Nous sommes également très préoccupés par les questions de protection et d’inclusion sociale. Nous avons plus de 4,3 millions de personnes déplacées à l'heure actuelle. Il s'agit donc d'un effort combiné portant sur la sécurité alimentaire, la nutrition, l'eau. Cette crise massive ne peut être résolue que par la paix. Mais en attendant la paix, nous avons besoin de financements. 

Le 10 mars, l’Iran et l’Arabie saoudite, tous deux engagés dans une guerre par procuration au Yémen, annonçaient le rétablissement de leurs relations diplomatiques. Avez-vous déjà noté une évolution sur le terrain 

Le rétablissement des relations entre États est toujours le bienvenu. Cependant, je pense que le plus important, en termes de bénéfices pour le peuple du Yémen, c'est la trêve qui a commencé il y a bientôt un an, le 2 avril 2022. Même si elle n'a pas été renouvelée, elle a été largement respectée et bénéficie au peuple yéménite. J’ai pu le constater au cours de l’année écoulée : le carburant arrive, les entreprises reprennent et les gens ont de nouveau des revenus. 

L’arrêt de frappes aériennes est psychologiquement très positif pour les gens. Alors que nous venons d'entrer dans le mois de ramadan, j'ai vu plus de commerces et de restaurants ouverts, les gens se déplacent plus librement. Beaucoup de choses ont été faites et je pense que nous devons encourager les négociations de paix.