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Roger Waters, co-fondateur de Pink Floyd: la liberté d’expression au pied du mur

Roger Waters, célébrissime batteur, guitariste et chanteur du non moins iconique groupe Pink Floyd, voit un certain nombre de ses concerts en Europe menacés d’annulation. En cause, les prises de positions politiques de la star de 79 ans.

Cracovie en Pologne, Francfort en Allemagne, peut-être Berlin, Munich ou encore Cologne, la liste des villes qui demandent ou qui envisagent de réclamer l’annulation des concerts de Pink Floyd, marquant le 50e anniversaire de la sortie de l’album The Dark Side of the Moon, s’allonge un peu plus chaque jour.

Le co-fondateur du groupe de rock créé en 1964 est accusé d’avoir des prises de position éloignées de la norme actuelle et de les affirmer. Parmi les dernières en date, sa déclaration, en février, à la tribune de l’ONU sur la guerre en Ukraine, jugée pro-russe par nombre de ses détracteurs. « Je condamne [l’invasion de l’Ukraine par la Russie] dans les termes les plus forts possible », a-t-il affirmé lors d’une session consacrée aux possibilités de paix en Ukraine. « De même, l’invasion russe de l’Ukraine n’a pas eu lieu sans provocation. Je condamne donc également les provocateurs dans les termes les plus forts possible ». Et d’ajouter, tout en appelant à un cessez-le-feu immédiat : « Voilà, c’est dit. »

« Comme c’est triste pour ses anciens fans de le voir accepter de n’être qu’une brique de plus dans le mur, dans le mur de la désinformation et de la propagande russe », a rapidement réagi l’ambassadeur ukrainien aux Nations unies Sergiy Kyslytsya, en référence à la célèbre chanson de Pink Floyd Another Brick in the Wall.

Un homme fidèle à ses convictions

Pourtant, Roger Waters a toujours clamé, et continue de le faire, son opposition à la guerre et son combat pour le respect des droits de l’homme aux quatre coins de la planète. Rappelons que le père de la star britannique meurt sur le champ de bataille en février 1944. Roger Waters a alors quatre mois.

Pacifiste dans l’âme, le groupe, dès ses débuts, n’a de cesse de dénoncer dans ses albums et lors de ses concerts les guerres qui ensanglantent le monde et tuent des innocents. En 1980, Another Brick in the Wall, méga tube international, est interdit en Afrique du Sud, car le titre devient rapidement le cri de ralliement des opprimés durant l’apartheid. Aujourd’hui, c'est vis-à-vis de la politique israélienne envers les Palestiniens que l'artiste trouve à redire.

En 1983, le groupe interpelle entre autres dirigeants le Soviétique Leonid Brejnev dans l'album The Final Cut, au titre de l’invasion en Afghanistan, pour qu'ils enlèvent « leurs sales mains de mon désert ».

S’opposer aux conflits, défendre les victimes de violations des droits de l’homme, dire haut et fort ses convictions démocratiques, condamner l’impérialisme américain, défendre l’anti-militarisme, soutenir les lanceurs d’alerte comme Julian Assange, c'est la ligne défendue par Roger Waters depuis plus d'un demi siècle. À presque 80 ans, hors de question pour l'artiste d'atténuer ses prises de position.

En 2013, au Stade de France, soit un an avant que Roger Waters et David Gilmour, autre membre co-fondateur de Pink Floyd et ancien « meilleur ami » de Waters, prennent des chemins différents, le groupe est accusé d’appeler à l’anéantissement d’Israël. En cause, un ballon en forme de porc, marqué de l’étoile de David, qui plane au-dessus du public. Dans une lettre ouverte sur Facebook peu de temps après, Roger Waters explique alors que ce cochon représente « le mal, et plus précisément le mal d'un gouvernement errant », et qu'il est également gravé dessus : « le crucifix, le croissant et l'étoile, le marteau et la faucille, le logo Shell Oil et le sigle McDonald's, un sigle dollar et un sigle Mercedes… »

Parmi ses autres prises de position pour défendre le peuple palestinien, celle de juin 2018. Lors de la finale du tournoi de tennis de Roland-Garros, l’ancien bassiste des Pink Floyd présente le trophée avec un keffieh autour du cou, provoquant ainsi les foudres des médias israéliens qui l’accusent encore une fois d’antisémitisme. Un mois auparavant, le chanteur avait déclaré à Lyon : « Que la police vienne m’arrêter ! Parce que je milite pour les Palestiniens qui sont tués comme des chiens. Personne n’élève la voix en Occident. Dites à Monsieur Macron qu’il est temps que ça cesse ! Beaucoup ont oublié 1789, mais moi, je m’en souviens. C’est dans votre grand pays qu’est née l’idée que tous les hommes sont égaux. »

Roger Waters, portant un keffieh palestinien traditionnel avant le match de la finale du simple messieurs du tournoi de tennis Roland-Garros, à Paris, le 10 juin 2018.
Roger Waters, portant un keffieh palestinien traditionnel avant le match de la finale du simple messieurs du tournoi de tennis Roland-Garros, à Paris, le 10 juin 2018. AFP - OLIVIER MORIN

Très actif sur les réseaux sociaux, Roger Waters inscrit également ses messages politiques au menu de ses performances scéniques, avec donc un intérêt particulier pour la situation actuelle en Cisjordanie occupée. Des opinions que ne digèrent toujours pas ses détracteurs, dont la propre épouse de David Gilmour, Polly Samson. Elle le traite ouvertement d’antisémite sur Twitter.

Sadly @rogerwaters you are antisemitic to your rotten core. Also a Putin apologist and a lying, thieving, hypocritical, tax-avoiding, lip-synching,misogynistic, sick-with-envy, megalomaniac. Enough of your nonsense.

— pollysamson (@PollySamson) February 6, 2023

Quid de la tournée 2023 ?

Les demandes d’annulations de concert de Roger Waters dans plusieurs villes européennes n’ont pour le moment pas été annoncées officiellement. Selon les autorités allemandes, il faudrait que la déprogrammation provienne des organisateurs. « Tant qu'il ne fait que continuer de dire ce qu'il dit depuis des dizaines d'années, il y a peu de perspectives au plan juridique. Les parties au contrat auraient donc dû s'informer avant de signer », explique un juriste dans un récent reportage diffusé par la chaîne franco-allemande Arte.

Fin février, Francfort a décidé de déprogrammer le concert du 28 mai, indiquant qu'il s'agissait de « l'un des antisémites les plus connus » au monde, rapporte The Guardian. Le chanteur a annoncé sur Twitter qu'il intenterait une action en justice contre ces déprogrammations, refusant que « la volonté de quelques-uns [l]'empêche de chanter à Francfort et à Munich ». « Je tiens à déclarer officiellement et une bonne fois pour toutes que je ne suis pas et que je n'ai jamais été antisémite. Rien de ce que quiconque pourra dire ou publier n'y changera quoi que ce soit. »

En septembre 2022, la ville de Cracovie l'a déclaré persona non grata pour ses prises de position considérées comme pro-russes. La ville avait déjà annulé ses deux concerts prévus en avril 2023.

Des concerts de Roger Waters sont annoncés dans toute l’Europe, dont Paris les 3 et 4 mai prochains. Intitulée « This is not  a drill », en français « Ceci n'est pas un exercice », la tournée européenne du Britannique a démarré à la mi-mars devant une salle comble à Lisbonne au Portugal. La star a prévenu : ceux qui ne sont pas prêts à entendre ses messages n’auront qu’à rester au bar.