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Réforme des retraites: les caisses de grève, clé d'une mobilisation dans la durée

Apparues au XIXe siècle, les caisses de grève, qui permettent de minimiser les pertes pour les salariés les jours de grève en se basant sur la solidarité des dons, ont retrouvé une place de choix dans la stratégie des syndicats ces dernières années, face à un contexte économique tendu, marqué par l'inflation. 

Ce mercredi 15 mars marque déjà la huitième journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites du gouvernement Borne. Et pour certains manifestants, c'est le huitième jour de grève, soit autant de jours de salaire perdus. Et l'addition commence à être salée.

L'appauvrissement, un facteur clé

Face à un gouvernement qui ne veut pas reculer, les syndicats peuvent compter sur un outil pour mobiliser les troupes et faire durer le mouvement dans les rues : les caisses de grève, qui permettent aux salariés de débrayer tout en recevant une indemnisation pour compenser une partie des retenues sur salaire. Apparues lors de la révolte des Canuts, à Lyon, en 1831, à une époque où le droit de grève n'existait pas encore, les caisses de grève font florès dans un contexte économique aujourd'hui tendu. « Le facteur clé est l'appauvrissement d'une partie de la société – mise en avant par le mouvement gilets jaunes – qui dès le début du mois n'a plus la main sur son budget à cause des crédits et des prélèvements automatiques », explique le sociologue Gabriel Rosenman, ancien cheminot engagé à SUD-Rail, qui prépare une thèse sur le sujet.

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Les caisses ont un rôle salvateur pour éviter aux employés de se poser deux fois la question de leur participation aux mouvements sociaux. Depuis le début de l'année, chaque syndicat ou presque y va de sa caisse de grève en ligne. Gabriel Rosenman distingue deux types de caisses. Il y a un d'un côté celles mises en place par les syndicats à destination de leurs adhérents, comme la réserve de la CFDT qui dispose d'un fonds de 150 millions d'euros alimenté par des cotisations, et celles, éphémères, qui apparaissent à l'occasion d'un mouvement de grève et qui disparaissent aussitôt après, ouvertes aux donations extérieures.

« Dans tous les cas, le but est de soutenir les grévistes financièrement, mais aussi politiquement. Les femmes de ménage de l'hôtel Ibis-Batignolles à Paris n'auraient pas pu tenir sans ces caisses et leurs salaires impayés », souligne le sociologue, qui rappelle par ailleurs leur rôle important dans le dernier mouvement contre les retraites en 2019, marqué par la popularisation des cagnottes en ligne, qui ont permis de « désenclaver la solidarité ouvrière ».

Nouvelles politiques de management de la grève

Le recours aux caisses de grève s'est également démocratisé en réaction aux nouvelles politiques de management de la grève pratiquées dans certaines entreprises. « Depuis les années 2010-2014, les négociations de fin de conflit, qui permettaient de négocier l'étalement des jours de grève et de lisser les prélèvements sur salaire sur plusieurs mois, ont disparu. La SNCF, la RATP ou encore la La Poste produisent maintenant des fiches de paie à 0 euros dès le premier mois de grève », poursuit Gabriel Rosenman. 

Plus que jamais, la solidarité est de mise, notamment chez les donateurs qui ne peuvent faire grève, à l'instar des retraités. Pour Gabriel Rosenman, la constitution de ces caisses n'affaiblit pas la mobilisation, au contraire. D'après un questionnaire mené par l'ancien cheminot, 66% d'entre eux se définissent comme militants et ont participé à des manifestations. Leur implication n'est donc pas limitée à des dons.

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