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Réforme des retraites: la mobilisation ne s'essouffle pas six jours après l'utilisation du 49.3

Un peu partout en France, des rassemblements et des manifestations se sont organisées pour cette nouvelle journée de mobilisation, la sixième depuis le déclenchement du 49.3 par Élisabeth Borne. Et le jeudi 23 mars, une mobilisation d'ampleur est attendue contre la réforme contestée des retraites.

Le couperet est passé très près pour Elisabeth Borne : neuf voix ont manqué à la motion de censure trans-partisane présentée lundi à l’Assemblée nationale pour renverser la Première ministre et son gouvernement. Et un peu partout en France, des rassemblements et des manifestations ont été organisées ce mardi 21 mars contre la très contestée réforme des retraites.

Dans les rues, les manifestants anti-réforme sont déterminés à poursuivre la mobilisation, comme l'explique Éléonore Schmidt, porte-parole du syndicat Étudiant alternatives présente sur la place de la République à Paris : « On voit un mouvement qui prend de plus en plus d'ampleur parmi les étudiants. La colère ne fait que s'amplifier. Dans les universités, on en est à soixante établissements bloqués, banalisés ou occupés, donc le nombre est conséquent. On voit aussi qu'il y a de nouvelles personnes qui nous rejoignent et c'est lié au déni démocratique d'Emmanuel Macron. On se mobilisera jusqu'au retrait de la réforme. On participe également au blocage de l'économie pour mettre le président au pied du mur. »

À Nantes ou encore à Rennes, plusieurs milliers de personnes ont participé mardi soir à des manifestations aux flambeaux pour protester contre la réforme des retraites du gouvernement. À Nantes, ils étaient 10 000 manifestants selon les syndicats, 4 100 selon la police. Les premiers gaz lacrymogènes ont été tirés peu après le début de la manifestation par les forces de l'ordre, qui essuyaient de nombreux tirs de mortier, ont constaté des journalistes de l'AFP.

À Rennes, 4 000 personnes, dont une partie portaient des flambeaux selon les organisateurs, 1 200 selon la préfecture, ont déambulé dans le centre-ville dans le calme. De retour à leur point de départ vers 20h30, les manifestants ont lâché des lanternes en papier dans le ciel en scandant des slogans hostiles à Emmanuel Macron et à la police, avant de se disperser.

À Fos-sur-Mer, à côté de Marseille, le blocage continue devant le dépôt pétrolier. Quelques centaines d'entre eux se sont rassemblés devant la raffinerie à l'arrêt.

Récit de la journée de blocage à Fos-sur-Mer

Ariane Lavrilleux

Des arrestations « arbitraires» pointées du doigt

De fortes tensions entre les forces de l’ordre et des manifestants anti-réforme ont émergés un peu partout dans le pays. Des heurts donnant lieu à des images d’interventions très musclées de la police et à au moins 200 arrestations à Paris, dont celle d’une cadre du parti La France Insoumise, ce qui suscite une vive polémique politique. 

Il y a une stratégie, celle de Darmanin, Macron et Borne, qui est d'intimider la jeunesse, d'intimider ceux qui sont légitimement en colère, ça s'appelle une violence d'État pour faire en sorte que tout le monde rentre chez soi

Clémentine Autain, députée la France insoumise

Aurélien Devernoix

« Une politique de la nasse et de la matraque » dénoncée également à l’Assemblée nationale à l’occasion des questions au gouvernement, suscitant la colère de la Première ministre Elisabeth Borne, qui dénonce l’instrumentalisation et la responsabilité de la France Insoumise : « Hier soir, votre violence verbale a débordé dans la rue, vous vous en prenez aux policiers et aux gendarmes, vous remettez en cause leur travail. Pour ma part, je veux leur rendre hommage, ils nous protègent, ils protègent nos institutions et l'ordre républicain. »

Selon le dernier bilan consolidé du parquet de Paris, 425 personnes ont été placées en garde à vue lors des trois premières soirées de manifestations spontanées, de jeudi à samedi. Seules 52 d'entre elles ont fait l'objet de poursuites à l'issue de la procédure. Les chiffres pour les soirées de dimanche et lundi ne sont pas encore disponibles, a indiqué le parquet. Au total, 287 personnes, dont 234 à Paris, ont été interpellées lundi soir en France lors d'une cinquième soirée consécutive de manifestations spontanées contre la décision du gouvernement de faire adopter sans vote sa réforme des retraites à l'Assemblée, selon une source policière.

Les autorités françaises ont nié ce mardi qu'il y ait eu des interpellations injustifiées lors des manifestations récentes contre la réforme des retraites à Paris, comme l'a dénoncé l'opposition : « Il n'y a pas d'interpellations injustifiées, je ne peux pas laisser dire ça », a déclaré le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez sur BFMTV, alors que syndicats d'avocats, de magistrats et des politiques de gauche ont dénoncé des gardes à vue « arbitraires ».

Claire Hédon, la Défenseure des droits, et qui est chargée de défendre les droits des citoyens en France, s'est dit de son côté « préoccupée » et « inquiète » sur les conséquences d'interpellations préventives synonymes de privation de liberté et rappelé les règles de déontologie dans le maintien de l'ordre.

Entre 600 000 et 800 000 manifestants attendus jeudi

Gérald Darmanin a annoncé mardi que « 12 000 policiers et gendarmes » seraient mobilisés jeudi en France dont « 5 000 à Paris » pour la nouvelle journée d'action intersyndicale contre la réforme contestée des retraites. Entre 600 000 et 800 000 manifestants, dont 40 000 à 70 000 à Paris, sont attendus dans la rue jeudi, selon les estimations des services de renseignement, ont indiqué à l'AFP des sources policières.

En régions, plus d'une dizaine de villes verront des « démonstrations de l'ultragauche », selon le renseignement territorial, notamment à Rennes où est anticipée la présence de quelque 500 membres de la mouvance contestataire, a indiqué l'une des sources policières.

À propos des critiques contre des gardes à vue de manifestants qui seraient « arbitraires », selon des avocats, magistrats et des politiques, Gérald Darmanin a fait valoir que ces gardes à vue sont toujours décidées « sous l'autorité du parquet ». « Oui à la liberté de manifester, non au désordre, à la bordélisation », a prévenu Gérald Darmanin, en dénonçant les rassemblements sauvages des derniers jours.

Quelles options ont les organisations syndicales pour continuer le mouvement ?

Situation loin d'être simple pour les syndicats, ils doivent paraître toujours crédibles et garder la tête de la contestation tout en restant unis. Mais comment se renouveler et faire perdurer quand certaines composantes de la CGT durcissent le mouvement, multiplient les actions et quand la jeunesse s'empare elle aussi de la rue, loin de toute considération syndicale ? 

« Les organisations syndicales ont des armes, des outils dans leurs mains, explique Bernard Vivier, le directeur de l'Institut supérieur du travail. Ils ont d'abord le recours auprès du Conseil constitutionnel. C'est une réelle inconnue pour le texte gouvernemental, la loi ne peut être mise en œuvre que lorsque le Conseil constitutionnel l'aura approuvé en tout ou partie. Les organisations syndicales ont toujours la pression de la rue, des manifestations. Et la manifestation de jeudi va être importante pour cela. Ils ont aussi - mais c'est à utiliser avec prudence, car un clivage peut apparaître entre organisations - les grèves, les blocages, “la France à l'arrêt” pour reprendre une expression de ces derniers temps. » 

L'autre piste, c'est le référendum d'initiative partagée (RIP) déposée ce lundi devant le Conseil constitutionnel. Mais c'est un processus long et incertain. Le temps est toujours aujourd'hui à la colère exprimée dans la rue et l'intersyndicale semble vouloir l'appuyer, tout en évitant de tomber dans la radicalité. 

À écouter aussi : Réforme des retraites: «Il y a un souci de dédramatiser» d'Emmanuel Macron

(et avec AFP)