Niger
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Nigeria: des élections générales 2023 sous tension

Au Nigeria, les élections générales 2023 se déroulent ce samedi 25 février. Un scrutin durant lequel 93 des 216 millions d’habitants sont appelés aux urnes, pour désigner notamment le successeur de Muhammadu Buhari, président depuis 2015. Le tout dans un climat de tensions, entre une abstention toujours plus forte, une réforme monétaire ayant entraîné des pénuries de liquidités et des violences multiples à travers le pays le plus peuplé d’Afrique.

Qui sera le successeur de Muhammadu Buhari, président du Nigeria depuis 2015 et qui ne peut plus se représenter après deux mandats ? C’est le principal enjeu politique des élections générales prévues ce samedi 25 février dans le pays le plus peuplé d’Afrique (216 millions). Un scrutin qui mêle donc présidentielle, législatives et sénatoriales. Un événement pour lequel 93 millions de personnes sont appelées aux urnes.

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Un électorat essentiellement jeune, des candidats souvent âgés

Au Nigeria, l’abstention progresse à chaque présidentielle depuis le retour des civils au pouvoir en 1999. Le taux de participation avait ainsi été de près de 35% en 2019 contre 69% en 2003 ou encore 54% en 2011. Qu’en sera-t-il pour 2023, alors que 40% des inscrits ont entre 18 et 34 ans ?

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Parmi les principaux candidats, Bola Tinubu, 70 ans, représentera le All Progressives Congress (APC), le parti au pouvoir de Muhammadu Buhari. Atiku Abubakar, 76 ans, vice-président du Nigeria sous Olusegun Obasanjo (1999-2007) et qui se présente pour la sixième fois, sera la figure du People's Democratic Party (PDP), le principal parti d’opposition. Rabiu Kwankwaso, 66 ans, du New Nigeria Peoples Party (NNPP), est également un politicien expérimenté. Enfin, Peter Obi, 61 ans, du parti travailliste, veut faire figure de renouveau au sein d’une élection qui mobilise 18 formations politiques.

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Sera élu dès le premier tour – jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de second tour durant une présidentielle nigériane – le candidat qui aura obtenu à la fois le plus grand nombre de voix et au moins 25 % des votes dans deux tiers des 36 États du Nigeria. Mais avec les outsiders Rabiu Kwankwaso et Peter Obi, un second tour est possible. Et si aucun ces candidats n’y parvient, la Constitution prévoit un second tour qui doit, en principe, être organisé dans les trois semaines. Un scénario qui ne s’est jamais produit depuis le retour des civils au pouvoir en 1999. 

Parole de Nigérians à Kano

Une échéance perturbée par des problèmes financiers et sécuritaires ?

Le Nigeria est un territoire de 923 000 kilomètres carrés (deux fois la taille du Cameroun voisin, par exemple) sur lesquels seront disséminés 176 846 bureaux de vote. Quelque 147 000 observateurs nationaux et internationaux sont accrédités. 

Le manque d’envie d’aller voter pourrait toutefois ne pas être le seul écueil durant cette échéance politique. La capacité à le faire, aussi, entre pénuries d'essence et problèmes financiers. Le quotidien de nombreux Nigérians est ainsi bouleversé par une réforme monétaire hautement controversée. Les autorités locales sont en effet empêtrées dans une tentative de remplacer tous les billets de banque, alors que l'argent liquide demeure incontournable pour une très large partie de la population, laquelle doit déjà composer avec une hausse généralisée des prix de 22% et taux de chômage élevé : un tiers de la population en âge de travailler est sans emploi. 

Le casse-tête quotidien lié à la pénurie de billets a en effet balayé tous les autres sujets de campagne ces derniers jours, rapporte notre envoyée spéciale à Kano, Amélie Tulet. Le retrait du marché sans remplacement des coupures de 200, 500 et 1000 nairas en quelques semaines a aggravé les difficultés des Nigérians.

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Reste aussi la question sécuritaire, une problématique multifactorielle au Nigeria entre conflits religieux, terrorisme, criminalité et violences institutionnelles et politiques. Rares sont les portions de territoire épargnées par les kidnappings. Par ailleurs, le nord et le nord-est sont en proie à des insurrections jihadistes. Et des dizaines de bandes criminelles opèrent dans le nord-ouest. En zone rurale, les conflits entre éleveurs et agriculteurs touchent plus de 20 États sur 36. Et le sud-est est secoué par des mouvements séparatistes. Le pays pointe ainsi à la 143e place sur 163 (le 41e rang pour un État africain) du Global Peace Index 2022, un baromètre annuel tentant d'évaluer le degré de pacifisme des pays. Aller voter, dans certaines zones du pays, peut représenter un risque.

Or, pour voter, il faudra être arrivé avant 14h. Les bureaux resteront ouverts pour accueillir les votants arrivés dans la file d’attente avant cette heure-là. Nouveauté du scrutin : un système de double identification des électeurs le jour du vote, digitale et faciale, un système mis en place pour limiter la fraude. Et les résultats doivent être transférés sur un portail. Lors des précédentes élections, les résultats ont été connus au troisième jour après le vote.

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■ Buhari ou le retour de l'État dans l'économie

Les huit années de présidence Muhammadu Buhari ont été marquées par le retour en force de l'État dans la gestion des affaires économiques. Protectionnisme et interventionnisme, le président a toujours considéré que l'État devait renforcer le secteur privé. Reste qu'après huit années, le bilan est très contrasté. Et les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs suscités.

Deux récessions en huit ans, une inflation stratosphérique, des pénuries d'essence récurrentes et une réforme monétaire hasardeuse... À première vue, le bilan des années Buhari est sombre. Parmi les échecs, son incapacité à enrayer le déclin de la production pétrolière. Les vols de pétrole pèsent 400 000 barils par jour, selon les experts. Et les unités de raffinage dans lesquels l'État a investi ne fonctionnent pas.

Autre échec, la corruption. Mal que Buhari qualifiait de « fond de roulement de l'économie ». Elle n'a pas pu être limitée et encore moins enrayée. Pauvreté, emploi, les indicateurs sociaux sont en baisse ces dernières années, même si l'économie nigériane s'est en partie modernisée. Car Muhammadu Buhari a aussi mené une politique économique volontariste, renforçant l'interventionnisme de l'État et le protectionnisme dans le domaine agricole. La fermeture des frontières à certains produits a permis de relancer des pans entiers de l'agriculture. La production de riz a même doublé en cinq ans.

Buhari a aussi simplifié le cadre réglementaire et fiscal des entreprises pour rendre son pays plus attractif. Et si le Nigeria n'est pas le pays d'Afrique le plus riche, son tissu entrepreneurial est l'un des plus dynamiques. D'autant plus remarquable que des régions entières du Nigeria sont plongées dans l'insécurité, en raison de la résurgence des groupes jihadistes et des bandes armées.