Entretien
Texte par : Carmen Lunsmann
3 mn
C’est la première Asiatique à remporter l’Oscar de la Meilleure actrice, grâce à son rôle d’une immigrée chinoise dans la comédie déjantée « Everything Everywhere All At Once ». Michelle Yeoh en fait toute la fierté de la Malaisie. Entretien sur cette victoire historique avec Jean-Marc Thérouanne, délégué général et directeur artistique du Festival international des cinémas d’Asie de Vesoul (FICA), le plus grand festival dédié au cinéma asiatique en France, qui fêtera sa 30e édition l’année prochaine.
RFI : Pour la première fois, une femme asiatique remporte l’Oscar de la Meilleure actrice principale. Qu’est-ce que cela symbolise pour le monde du cinéma asiatique – et au-delà ?
Jean-Marc Thérouanne : En cette période de wokisme, je pense que les Américains ont pensé que ce n’était pas juste, que, jusqu’à présent, aucune grande actrice asiatique n’ait remporté cet Oscar. Et là, il s’agissait de la plus grande actrice asiatique du moment, Michelle Yeoh. Elle avait déjà eu un rôle énorme dans Tigre et Dragon, du réalisateur taiwanais Ang Lee, en 1999, et elle a déjà tourné dans énormément de films. Je pense aussi que le phénomène du grand succès de Crazy Rich Asians, de Jon Chu, c’était la première fois à Hollywood qu’ils avaient un film qui remporte autant de succès au box-office, cela a certainement fait réfléchir les businessmen d’Hollywood en se disant qu’il faudrait peut-être réparer une injustice en direction de cette très grande actrice internationale.
J’aimerais aussi qu’on ne donne pas de prix sur des couleurs de peaux, mais seulement, parce qu’elle est une grande actrice. Et pas, parce qu’elle est asiatique. Je pense quand même qu’il faut se méfier de vouloir trop caractériser, trop marquer au fer rouge les gens de leur origine ethnique. Ce n’est pas une bonne chose. Il faut regarder d’abord leur talent. Moi, j’ai cette vision très française, qu’il faille toujours regarder l’homme ou la femme et non pas cette stratégie de quotas qui semble être perverse et qui est au fond une façon raciale et donc raciste d’organiser les prix.
Pour l'actrice malaisienne Michelle Yeoh, c’est un signe d’espoir et de possibilités. En plus, pour une femme d’un certain âge. Elle a 60 ans. Pensez-vous qu’on a passé une nouvelle étape dans l’attitude, dans le regard de l’industrie du cinéma hollywoodien ?
Je pense que ce n’est pas seulement dans l’attitude du cinéma hollywoodien qu’on change ce regard. Regardez à l’échelle française, l’immense succès de Davy Chou avec son Retour à Séoul. Là, on s’aperçoit aussi qu’il y a de grands talents français d’origine asiatique, comme il y a de grands talents français afro-français avec le merveilleux Saint Omer d’Alice Diop. Je pense qu’on est dans une société qui prend en compte toute la diversité du monde et la diversité du monde se retrouve aussi près de chez soi.
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