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Manifestations du 20 octobre au Tchad: la CNDH a rendu son rapport sur le «jeudi noir»

Au Tchad, la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) a publié ce jeudi son rapport sur ce que beaucoup de Tchadiens appellent le « jeudi noir », la répression des manifestations du 20 octobre 2022 contre la prolongation de la transition pour 24 mois supplémentaires et le maintien à sa tête de Mahamat Idriss Déby. 

Le 20 octobre, en dépit de l'interdiction des autorités, des marches s'engagent à l'appel de l'opposition dans plusieurs villes. Si dans certaines, comme Sarh ou Bongor, elles se déroulent sans trop de heurts, elles virent à l'émeute à Ndjamena, Moundou, ou Koumra. Le bilan du « jeudi noir » varie. Il va de 73 morts, dont des éléments des forces de sécurité, selon les autorités, à environ 300 selon l'opposition. À l'issue de son enquête, la CNDH est parvenue de son côté à documenter un total de 128 décès, 12 disparus, 518 blessés, 943 arrestations et 265 condamnations.

« Mauvais traitements » au « Bagne »

La commission note que si la manifestation se voulait pacifique, certains dans la foule étaient en possession d'armes blanches ou ont attaqué les forces de sécurité à coups de pierres. La réaction sera disproportionnée avec des tirs à balle réelle. « Les forces de défense et de sécurité avaient la possibilité de faire usage de canons à eau, de grenades assourdissantes ou de balles en caoutchouc », note le rapport qui confirme également que des personnes en tenue civile transportées dans des véhicules aux vitres fumées ont utilisé des armes contre les manifestants.  « Tout le monde l'a constaté et je pense même que l'ambassade des États-Unis en a fait cas : il y a des civils qui se sont mis à tirer sur les manifestants qui étaient à bord des véhicules civils avec des vitres teintées et personne ne les en a empêchées », pointe Mahamat Nour Ibedou, le président de la CNDH.

La CNDH attribue donc la « responsabilité principale » des événements aux forces de l'ordre. « Il est vrai que ce n'était pas une manifestation pacifique en tant que telle. Mais cela ne justifie cette réponse-là. L'utilisation d'armes létales est disproportionnée et injustifiée parce qu'elles [les forces de l'ordre, NDLR] avaient la possibilité de disperser cette manifestation autrement qu'en utilisant des armes létales. Elles avaient la possibilité de contenir ces manifestations, en utilisant par exemple les grenades lacrymogènes », remarque Mahamat Nour Ibedou.

Les « violations systématiques les droits fondamentaux » se sont poursuivies, pointe encore le rapport : des tortures, des perquisitions illégales, des enlèvements ou des détentions arbitraires. Comme à la prison de haute sécurité de Koro-Toro, appelée « Le Bagne » au Tchad, où huit personnes trouveront la mort « suite à des mauvais traitements », précise le document, et où un procès qualifié de « mise en scène » a été organisé.

Recommandations

La commission pose aussi un certain nombre de questions : pourquoi le gouvernement, bien informé de la préparation d'une grande manifestation, n'a-t-il rien fait pour éviter le pire ? De qui les FDS ont-elles reçues l'ordre de tuer des manifestants ? Qui sont les hommes civils et armés qui tiraient sur les manifestants ? Pourquoi des enquêtes judiciaires n'ont-elles pas été ouvertes pour les violations des droits humains ? 

Le rapport n'exonère cependant pas les organisateurs des manifestations qui « ne pouvaient pas ne pas savoir que tout cela pouvait mal tourner et que le risque de répression violente était clairement prévisible ».

La commission note que les données « ne sont pas exhaustives et sont susceptibles d'êtres revues à la hausse », car elle n'a pu recouper tous les témoignages en sa possession. Elle adresse aussi des recommandations : au gouvernement, elle demande des poursuites contre les auteurs et commanditaires des violations des droits humains, la libération des personnes arrêtées et la réparation du préjudice subi ; aux partis politiques et à la société civile, de « privilégier le dialogue ».