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Madagascar: un pavé dans les rivières aurifères

A Madagascar, le public venu assister hier vendredi au Forum sur la gouvernance minière sur l’île organisé par la branche locale de Transparency International, a pu découvrir en avant-première une étude inédite sur les flux financiers illicites dans le secteur de l’or. Cette enquête, réalisée sur terrain auprès de plus de 300 personnes - orpailleurs, collecteurs et exportateurs d’or -, a permis de retracer ces mouvements financiers opaques, fruits de la corruption, du blanchiment de capitaux, évasion fiscale, le tout, « grâce à l’appui des autorités et de hauts responsables de l’État », précisent les signataires des travaux. Une perte sèche qui pénalise directement les caisses de l’État … et la population.

avec notre correspondante à Madagascar, Sarah Tétaud

Si le constat était prévisible, l’étude menée les experts du secteur minier du centre de recherches sur la corruption « U4 » ne laisse plus aucun doute : oui, la filière aurifère est gangrénée par des flux d’argent sale.

Clément Rabenandrasana, l’un des auteurs de l’étude, raconte : « Le mode opératoire, c’est celui-ci : les gros bonnets, une dizaine, se situent ici, à Tana. Essentiellement des Chinois et des Indiens, mais pas que … qui détiennent de l’argent. Cet argent-là est transmis aux petits opérateurs malgaches, aux collecteurs, pour qu’ils achètent de l’or au niveau local. »

De l’argent issu, d’après les enquêteurs, de la fraude fiscale, de l’évasion fiscale et du blanchiment de capitaux et qui serait utilisé à toutes les étapes de la chaîne de valeur : « De l’exploitation, du transport, de la commercialisation, jusqu’à l’exportation vers les Seychelles … et surtout Dubaï. »

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Un trafic favorisé et protégé par un système de corruption généralisée au sein même de l’appareil étatique.

« C’est surtout au ministère de la Justice, à la Gendarmerie, et dans l’administration minière que l’on retrouve beaucoup de personnes impliquées dans cette chaîne de corruption. Les collecteurs arrivent à se soustraire au paiement des redevances en échanges de pots-de-vin versés à ces personnes. Parmi ceux qui profitent, il y a aussi des autorités, des parlementaires, des hauts fonctionnaires… C’est la raison pour laquelle il est vraiment difficile de dévoiler les noms pour le moment. »

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Bien que hautement stratégique pour le pays, la filière aurifère malgache reste cependant un paradoxe. Au motif de vouloir l’assainir, les autorités ont suspendu les exportations d’or en 2020. Une décision qui n’aurait fait qu’amplifier le phénomène d’exportation illégale : depuis 2021, au moins 110 kilos d’or sortis illégalement du territoire ont été interceptés à l’étranger, lors d’affaires retentissantes. Un phénomène estimé par les experts à plus de 100 millions de dollars de manque à gagner par an pour l’État et sa population.

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La mine d'or illicite de Soamahamanina, à environ 150km d'Antananarivo, à Madagascar.
La mine d'or illicite de Soamahamanina, à environ 150km d'Antananarivo, à Madagascar. © Aline Ranaivoson/RFI