Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Madagascar: immunité et impunité dans plusieurs secteurs de la vie publique au cœur d’un débat

À Madagascar, la web TV citoyenne Taninjanak a organisé, mercredi 15 mars 2023, un débat intitulé « Immunité vs Impunité : l'infime différence ». L’occasion pour des panélistes d’horizons très divers de s’exprimer sur les failles et les dysfonctionnements actuels de l’appareil judiciaire qui permettent à des acteurs majeurs de la vie publique d’échapper aux sanctions.

Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud

« Immunité vs Impunité : l'infime différence » : c’était la thématique du débat organisé mercredi 15 mars 2023 à Madagascar par la web TV citoyenne Taninjanak, le média de la société civile.

Sur l’estrade, les panélistes, d’horizons très divers, se sont tour à tour exprimés sur les failles et les dysfonctionnements actuels de l’appareil judiciaire, qui permettent aux hauts-fonctionnaires, aux chefs d’institution, ou aux dirigeants du pays, suspectés de délit ou de crime, d’échapper aux sanctions.

« À Madagascar, des ministres refusent de signer des autorisations de poursuite »

Il y existe les immunités classiques : immunité parlementaire, immunité diplomatique. Et il y a celles plus insidieuses, comme l’explique Sahondra Rabenarivo, la présidente du Comité pour la sauvegarde de l’Intégrité et panéliste du débat : « Aujourd’hui, pour pouvoir poursuivre un magistrat haut gradé, il faut une autorisation de poursuite du ministre de la Justice. Pour un inspecteur des Impôts, des Douanes ou du Trésor, il faut une autorisation de poursuite du ministre des Finances. Même chose à la Police, la Gendarmerie ou aux Domaines. Vous remarquerez en passant que ce sont les secteurs dans lesquels on dit que la corruption règne… »

► À lire aussi Madagascar: les résultats du rapport de Transparency International sur la corruption divisent

Elle poursuit : « Or, essentiellement à Mada, des ministres refusent de signer des autorisations de poursuite, à l’exception de la gendarmerie. Donc, nous, ce que l’on aimerait, c’est uniformiser et faire en sorte que les ministres doivent réagir dans un délai défini et que s’ils ne donnent pas d’autorisation de poursuite, ils doivent le justifier. Sans quoi, cela donne une protection spéciale à tous ces fonctionnaires, et c’est une forme d’immunité qui crée in fine de l’impunité. »

« Les députés ne veulent pas débattre de tout ce qui concerne la Haute cour de justice »

L’impunité au sein de sa corporation, le député Djohary Lee Andranambinina de l’IRD (le groupe parlementaire du président Andry Rajoelina) a voulu la combattre, en proposant en 2020 un projet de loi de code éthique et déontologique pour les députés. En vain. « Nous souffrons d’une mauvaise réputation, du fait du comportement de certains, explique l’élu de Vondrozo, un district du Sud-Est de l’île. Donc j’ai voulu rectifier ça, en proposant des sanctions, des lignes directrices. Mais le texte n’a jamais été présenté en séance plénière, parce que les députés ont refusé qu’on leur soumette des barrières. »

Aujourd’hui, le parlementaire, également rapporteur de la commission de mise en accusation devant la Haute cour de justice [1], déplore un autre frein dans la lutte contre l’impunité.

« Souvent, quand je fais le rapport en séance plénière, je me présente face à une salle presque vide, avec neuf ou dix parlementaires seulement, au lieu de 151. Les députés ne veulent pas débattre au sujet de tout ce qui concerne la Haute cour de justice, parce que ça pourrait les concerner un jour, peut-être… S’il y avait une volonté politique de ceux qui nous dirigent en tant que groupe parlementaire et même "au-dessus", les mises en accusation seraient déjà votées », lâche-t-il, le regard droit.

Ces manœuvres pour préserver certains intérêts, ces utilisations des failles du système, ces impunités répétées sont autant de facteurs de blocage de la lutte contre la corruption, ont conclu les intervenants du débat.

[1] L’instance judiciaire chargée de juger le chef de l’État, les présidents des assemblées parlementaires et les membres du gouvernement sur les éventuelles fautes graves commises durant leur mandat.