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Les soutiens de Navalny installent une réplique de sa cellule d’isolement à Paris

Une réplique grandeur nature d’une cellule d’isolement dans laquelle est emprisonné Alexeï Navalny a été installé par ses soutiens en plein centre de Paris ce mardi 14 mars. Ses soutiens veulent attirer l’attention sur le sort de l’opposant russe emprisonné depuis 2021 après avoir survécu à un empoisonnement en août 2020.

Un bloc de béton de trois mètres de long sur deux mètres de large se dresse au milieu du square Michel Caldaguès à Paris, juste derrière le Palais du Louvres. Il s’agit de la réplique exacte de la cellule d’isolement dans laquelle est emprisonné l’opposant russe Alexeï Navalny dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité. En russe, on appelle cela un SHIZO, c'est l'acronyme utilisé pour désigner ce type de cellule.

« Il y a quatre murs et deux portes, l'une est en fait une grille et la seconde est une porte avec une petite ouverture au travers de laquelle les prisonniers reçoivent leur nourriture. Il y a une petite fenêtre fermée par une grille, les murs sont en béton assez froid. Il y a un lit pliable qui n'est ouvert que huit heures par jour, un toilette à la turque et un petit lavabo », détaille Ivan Jdanov, le directeur de la Fondation anti-corruption créée en 2011 à l'initiative de Navalny. 

« Nous avons lancé ce projet, car nous nous sommes rendus compte que lorsque l'on veut expliquer en Occident ce qu'est une prison russe, il y a très peu de gens qui comprennent vraiment. En soi, la prison en Russie est déjà une forme de torture, explique Ivan Jdanov. Nous avons réfléchi à la façon de montrer les conditions de détention d'Alexeï Navalny et nous avons décidé de faire cette réplique de cellule SHIZO ».

« En cage comme un animal »

La cellule SHIZO est la punition la plus sévère de l'univers carcéral russe. Navalny y est régulièrement envoyé pour des motifs absurdes comme ne pas avoir correctement boutonné son uniforme de prisonnier ou ne pas avoir mis ses mains dans le dos en marchant lors de la promenade. Chaque détention ne peut normalement pas excéder 15 jours, mais l'opposant russe a déjà passé 91 jours à l'isolement durant l'année 2022. Durant ces périodes, il ne peut obtenir de l'eau chaude que trois fois par jour, les visites et les colis sont interdits, il n'a le droit à du papier et un stylo que 35 minutes par jour et n'a qu'un seul livre à sa disposition.

Une photo de l'intérieur de la réplique de la cellule d'isolement d'Alexeï Navalny installé à paris par ses soutiens le 14 mars 2023.
Une photo de l'intérieur de la réplique de la cellule d'isolement d'Alexeï Navalny installé à paris par ses soutiens le 14 mars 2023. Thomas Padilla / AP

Le 24 janvier 2023, cette réplique de cellule SHIZO avait été installée une première fois à Berlin devant l’ambassade de Russie où elle était restée jusqu’au 23 février, veille du premier anniversaire de la guerre en Ukraine. Cette fois-ci, à Paris, elle restera accessible au public jusqu'au 29 mars 24h/24. Les passants qui pénètrent à l'intérieur sont envahis par une drôle de sensation. « On ressent de la répulsion, on a tout de suite envie de sortir, ça, c'est sûr. On se sent enfermé et en cage comme un animal, ce sont les conditions de vie d'un animal », s'indigne Martine, 74 ans, dont la meilleure amie est russe et qui est venue pour soutenir la liberté d'expression de l'opposant.

L'isolement pour le faire taire

Pour ses soutiens, cette installation est avant tout un moyen de continuer à mettre en lumière le combat d'Alexeï Navalny pendant que le régime russe fait tout son possible pour le faire taire. « Nous essayons d'attirer l'attention sur notre cause et sur le sort d'Alexeï et de tous les prisonniers politiques russes et cette cellule est le symbole de la façon dont ils sont traités », explique Kira Yarmysh, la porte-parole d'Alexeï Navalny. 

« Alexeï est devenu un symbole de tous les prisonniers politiques, ajoute Ivan Jdanov. Le fait que Poutine soit au pouvoir, qu'il y ait la guerre en Ukraine et que Navalny soit en prison, tout est lié. Le jour où Poutine ne sera plus au pouvoir, le jour où Navalny sera libéré, la guerre en Ukraine s'arrêtera », veut croire le direct de la Fondation anti-corruption. 

Le directeur de la Fondation anti-corruption Ivan Jdanov et sa traductrice devant la réplique de la cellule d'isolement d'Alexeï Navalny à paris le 13 mars 2023.
Le directeur de la Fondation anti-corruption Ivan Jdanov et sa traductrice devant la réplique de la cellule d'isolement d'Alexeï Navalny à paris le 13 mars 2023. © Pierre Fesnien / RFI

Actuellement, Alexeï Navalny n'est pas détenu dans une cellule d'isolement, mais ses conditions de détention ne sont guère meilleures. « La seule différence avec la cellule SHIZO, et je ne plaisante pas, c'est qu'il a en ce moment le droit d'avoir deux livres au lieu d'un seul, lance Kira Yarmysh. Poutine fait tout empêcher Alexeï de continuer ses activités politiques, pas seulement en alourdissant sa condamnation, puisqu'il risque désormais 35 ans de prison, mais aussi en tentant de le faire taire en l'isolant au maximum au sein même de la prison ».

Un Oscar plus facile à obtenir qu'un procès équitable

Alexeï Navalny est en prison depuis janvier 2021 pour avoir été reconnu coupable d’avoir violé son contrôle judiciaire en se rendant en Allemagne où il a été soigné plusieurs mois après avoir empoisonné en août 2020. Depuis, il repasse régulièrement devant les tribunaux russes qui alourdissent sa peine pour des motifs plus que douteux.

Récompensé du prix Sakharov pour la liberté d’expression en octobre 2021, l’opposant continue régulièrement à faire entendre sa voix critique du régime russe via des messages qu'il réussit à transmettre et qui sont publiés par son équipe sur les réseaux sociaux.

Son combat a par ailleurs reçu un nouveau coup de projecteur après que le film intitulé Navalny réalisé par le Canadien Daniel Roher a été récompensé par l’Oscar du meilleur documentaire de l’année à Hollywood dimanche dernier en présence des membres de sa famille. Une information que n'a pas manqué de souligner Ivan Jdanov ce mardi sous les applaudissements de la cinquantaine personnes présentes et pour la plupart russophones en ironisant : « Cet Oscar a été plus facile à obtenir qu'un procès juste et équitable pour Alexeï, car une telle chose n'existe pas en Russie ».