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Les citoyens irakiens appelés à signaler les contenus «décadents» sur les réseaux sociaux

Une dizaine de vidéastes et influenceurs très connus des Irakiens ont été arrêtés ces dernières semaines. Les organisations de défense des droits humains alertent sur les risques de dérives liberticides. Pour contrôler les contenus qui porteraient atteinte aux valeurs morales de la société irakienne, les autorités ont en effet ouvert une plateforme numérique pour permettre à la population de dénoncer les contenus qu’elle juge offensants.

De notre correspondante à Bagdad

Lors du lancement de cette plateforme en janvier 2023, le ministère de l’Intérieur disait vouloir endiguer la propagation de contenus qu’il qualifiait de « décadents ». Quiconque trouvant un contenu offensant posté sur les réseaux sociaux peut le déclarer sur cette plateforme, en seulement quelques clics.

Près de deux mois plus tard, ce sont plus de 137 000 signalements qui ont été effectués. Le nombre est impressionnant. Le ministère assure qu’il n’en retient que très peu. « Les 15 ou 16 dossiers pour lesquels nous avons agi faisaient l’objet de milliers de plaintes. Nous prenons les résultats que nous trouvons les plus offensants, sans récriminations personnelles ou autre, nous les présentons devant le juge pour qu’il les étudie et le juge décide s’il faut agir », explique Saad Maan, le porte-parole du ministère de l'Intérieur.

Prison pour un YouTubeur et une Tiktokeuse

Sept créateurs de contenus ont pourtant été condamnés à des peines allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement, la peine maximale. Une « Tiktokeuse » qui avait publié une photo d’elle en tenue militaire moulante en a d'ailleurs fait les frais. Ce système de dénonciation a créé un vent d’inquiétude chez les créateurs de contenus. Hamsa Majid, une influenceuse, s’est réfugiée au Kurdistan irakien après une vague d’insultes sur les réseaux sociaux. « Ils m’accusent de faire du contenu décadent, mais je ne crée même pas de contenu, je fais de la publicité. Honnêtement, j’ai peur que ces personnes utilisent ce sujet pour m’atteindre d’une façon ou d’une autre », s'inquiète-t-elle. Pour l’heure, Hamsa Majid ne fait pas l’objet de poursuites judiciaires, mais elle craint que cela ne se transforme en véritable chasse aux sorcières.

Mais sur quoi se basent les autorités pour définir si un contenu est « décadent » et condamner les auteurs ? C’est là toute la question. Du point de vue de la loi, les autorités judiciaires s’appuient sur l’article 403 du code pénal irakien qui concerne les publications « portant atteinte à l’intégrité publique ou aux bonnes mœurs ».

Une formulation estimée peu claire par de nombreuses voix en Irak, comme Alaa al-Mashaikhi, avocat à Bagdad : « L’article 403 fait référence à un acte outrancier. Cette notion est subjective. Comment déterminer que quelque chose enfreint la loi ou non ? Alors que pour certaines personnes, un sujet peut être offensant, pour d’autres, il ne l’est pas. De manière générale, cet article est vague ». Beaucoup demandent donc une précision des termes de la loi et des procédures, même s’ils réclament un plus grand contrôle du contenu des réseaux sociaux.

Crainte pour les droits et libertés des Irakiens

La principale inquiétude serait l’atteinte à la liberté d’expression et d’opinion dans le pays, comme le souligne Rahim el-Shamari de l’organisation Burj Babel for Media Development : « Nous craignons que ces mesures ciblent, dans quelques jours, mois ou années, les journalistes. C’est pour cela que nous demandons de légiférer à nouveau, pour une loi claire ».

Le ministère de l’Intérieur réfute cette accusation concernant les journalistes. Mais ces craintes s’expriment au moment où les parlementaires débattent d’un texte censé redéfinir la notion de liberté d’expression, d’opinion, de rassemblement et de manifestation pacifique dans le pays.

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