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Le survol du Mali est-il risqué pour les avions civils?

L'aviation civile américaine (FAA) a jugé que les avions couraient un « risque accru » desservant ou survolant le Mali « à toutes les altitudes » en raison de la présence d’un « système de défense antiaérienne sophistiqué » utilisé par le groupe Wagner, comme a révélé cette semaine le journal Les Échos. Bamako n'a jamais reconnu disposer de ce type d'armement et Air France maintient ses vols. Mais selon le spécialiste Akram Kharief, « il n’y a aucune information crédible » en ce sens.

C'est une note de l'aviation civile américaine (FAA) datée du 23 février, qui a donné l'alerte, révélée par le journal français Les Échos. Elle relève un « risque accru » de survol du Mali en raison de la présence près de Bamako de missiles antiaériens russes de type Pantsir ou SA-22, capables de toucher des avions jusqu'à 15 000 mètres d'altitude dans un rayon de 36 kilomètres. Selon cette note, ils seraient aux mains des mercenaires du groupe Wagner.

Les autorités maliennes de transition n'ont jamais officiellement communiqué sur l'acquisition de ce type d'armement.

La note américaine cite également le système portatif de défense antiaérienne de type Manpads - des missiles sol-air déployés dans le reste du pays et notamment dans la région de Mopti - pour protéger l'espace aérien malien contre toute intrusion non désirée.

Peur d'erreurs tragiques, comme avec le MH17

Plus que des attaques directes contre des vols civils, hautement improbables, c'est le risque d'erreurs tragiques qui est redouté. En 2014, par exemple, le vol MH17 de la Malaysia Airlines avait été abattu par erreur au-dessus de l'Ukraine par des militaires russes et des miliciens séparatistes. Près de 300 personnes avaient été tuées.

La note de la FAA évoque également d'autres risques, le Mali étant « le théâtre de combats », « d'activités extrémistes » ou encore « d'une détérioration de l'État de droit ». L'agence américaine pointe également le fait que la branche sahélienne du groupe terroriste État islamique ait revendiqué en juillet dernier la destruction d'un drone du groupe Wagner.

Aucune compagnie n’annonce de mesures en conséquence

Aucune compagnie desservant le Mali n'a annoncé de mesure particulière depuis la publication de cette note. Air France, dont les avions assurent une liaison quotidienne avec Bamako, indique avoir suivi « avec le plus grand soin » les recommandations de la FAA, mais « à ce stade, la desserte de Bamako reste inchangée ».

Jeudi 16 mars, le syndicat de pilotes SNPL a tout de même appelé à l'exercice du droit de retrait des personnels ne souhaitant pas, « en l'état actuel des choses », être affectés à des vols à destination de Bamako.

« Aucune information crédible qu'il y ait ce type d'équipement au Mali »

Selon le journaliste algérien Akram Kharief, spécialiste des questions de défense et d'armement, notamment dans les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, « il n'y a aucune information crédible qu'il y ait ce type d'équipement au Mali ». Le fondateur du site Menadefense était interrogé par David Baché.

Akram Kharief : La FAA parle de Pantsir, ou SA-22 selon la codification Otan. C'est un système de défense antiaérien mobile léger de moyenne et courte portée qui peut atteindre une sorte de bulle de 15 kilomètres. Il est destiné à contrer avant tout les drones et les petits avions, pas les chasseurs volant à haute altitude ou des avions de ligne. Mais ça reste un équipement qui présente de très gros risques lors des approches près des aéroports ou des survols à moyenne altitude.

RFI: Est-il certain que l'armée malienne, et ses supplétifs russes, disposent d'un tel équipement ?

Pas du tout : il n'y a aucune information crédible qu'il y ait ce type d'équipement au Mali. Lorsqu'on lit le communiqué, on a l'impression que la FAA fait une sorte de transposition par rapport à Wagner en Libye, en impliquant la présence de cet équipement aussi au Mali, mais n'apporte pas de preuve et ne précise pas l'endroit où se trouverait cet équipement.

La note dit pourtant « près de Bamako »…

Oui. Près de Bamako, ils parlent du quartier général de Wagner, qui se trouve près de l'aéroport. Ils parlent aussi de Kati, qui est aussi une sorte de QG de la junte et de l'armée malienne. Donc, ça n'indique en rien qu'il y ait des Pantsir là-bas.

Les services américains ont peut-être leurs propres renseignements ?

Ça aurait filtré, parce que le Pantsir nécessite qu'il y ait une livraison par avion. Le Mali étant un pays enclavé, ça aurait nécessité un gros porteur. Il y a suffisamment d'instruments de tracking pour noter la présence ou la livraison de gros équipements au Mali, or il n'y en a pas eu en 2022, ni en 2023.

Donc, vous jugez cette alerte de l'aviation civile américaine démesurée ?

Je pense qu'elle est démesurée, mais je pense aussi qu'elle se base sur deux choses. Sur la présence réelle de cet équipement en Libye, et sur son utilisation aussi par Wagner en Syrie. Elle se base aussi sur des rumeurs qui se font de plus en plus entendre de la part des promoteurs de la junte malienne, qui parlent de la présence d'équipements antiaériens depuis ces deux ou trois dernières semaines, sur les réseaux sociaux.

Il faut rappeler que la FAA est supposée prévenir les risques, donc je pense que leur degré de sensibilité est assez grand.

Les autorités maliennes défendent leur ciel, elles se méfient d'intrusions non désirées, françaises par exemple…

Oui, mais dans ce cas le Pantsir ne serait pas l'armement idéal. L'armée malienne pourrait acheter d'innombrables équipements qui coûteraient beaucoup moins cher et qui seraient beaucoup plus performants.

Akram Kharief: «Aucune information crédible qu'il y ait ce type d'équipement au Mali»

David Baché

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