Un adolescent de 15 ans, qui avait signalé des actes de harcèlement scolaire, s'est suicidé mardi en région parisienne. Alors que ce phénomène a déjà été érigé en priorité cette année, le nouveau ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, a indiqué que de nouvelles mesures allaient être annoncées.
Seulement deux jours après la reprise des cours, le suicide d'un jeune adolescent de 15 ans mercredi 6 septembre à Poissy, près de Paris, vient endeuiller la rentrée. Mardi en début de soirée, les secours sont intervenus pour un garçon de 15 ans retrouvé pendu à son domicile. Après des tentatives de réanimation, sans succès, l'adolescent a été déclaré décédé. L'adolescent était scolarisé l'an dernier en troisième prépa métiers au lycée professionnel des métiers Adrienne-Bolland, dans les Yvelines.
La justice appelle à la prudence sur les causes du passage à l'acte tandis que l'Éducation nationale a lancé une enquête interne.
« Nous ne sommes pas à la hauteur »
« Le suicide d'un jeune garçon est toujours un drame difficile à expliquer. Il y a évidemment divers facteurs », a déclaré le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal lors d'une allocution dans la cour du ministère. Mais « chaque drame est un drame de trop, qui nous rappelle que nous ne sommes toujours pas à la hauteur », a complété le ministre, qui doit annoncer un plan interministériel de lutte contre le harcèlement d'ici la fin septembre.
Déjà engagée par l'ancien ministre de l'Éducation Pap Ndiaye, la lutte contre le harcèlement scolaire s'est intensifiée après la mort de Lindsay, 13 ans, dans le nord de la France, qui a mis en lumière ce phénomène. Le harcèlement à l'école, qui toucherait un élève sur dix, a été érigé en priorité absolue du gouvernement pour l'année scolaire 2023-2024.
Gabriel Attal a décidé de lancer une enquête administrative pour faire la « lumière » sur les faits de harcèlement scolaire dont a été victime ce garçon, mais aussi sur la gestion de cette affaire par les services de l'Éducation nationale. « Ce ne sont pas des personnes évidemment que je veux mettre en cause, c'est la réponse de l'institution Éducation nationale face à l'urgence du harcèlement scolaire qu'il nous faut continuer à profondément changer », a-t-il expliqué.
À lire aussiACCENTS D'EUROPE Lutter contre le harcèlement des adolescents
« En décembre 2022, le harcèlement du jeune garçon avait été signalé. Un rendez-vous avait été organisé dans l'établissement. Il était fait état de brimades et d'injures répétées de la part de plusieurs élèves nommément désignés », a retracé le ministre de l'Éducation. « En mars 2023, les parents ont été reçus par l'établissement. Les élèves mis en cause ont eux aussi été reçus, et leurs parents ont été contactés. Un échange de courriers a par ailleurs eu lieu courant avril entre la famille et l'institution scolaire sur la situation du jeune garçon, la famille dénonçant, dans ce courrier, l'absence de mesures suffisantes prises face à cette situation », a-t-il ajouté. Le père avait déposé une main courante pour harcèlement en avril au commissariat de Poissy, mais n'avait pas souhaité déposer plainte, a-t-on appris de source policière.
Le ministre a précisé que selon l'établissement, l'adolescent avait « bénéficié d'un suivi régulier par la CPE, et ce jusqu'à la fin de l'année scolaire » et qu'« un point a été fait avec le père de ce jeune garçon » en fin d'année scolaire. L'adolescent était scolarisé depuis cette rentrée dans un autre établissement à Paris.
Un million d'enfants concernés
« Je ne sais pas si c’est le harcèlement scolaire qui a tué cet adolescent aujourd’hui, tout ce qu’on sait, c’est qu’effectivement, il était victime de harcèlement scolaire l’année dernière, et que ce harcèlement l’a conduit à changer d’école, a réagi Laurent Boyet, fondateur de l'association Les Papillons, au micro de Lucie Bouteloup, qui rappelle : « On a du mal à faire prendre conscience à la société que le harcèlement scolaire est un fléau qui touche un million d’enfants sur les douze millions d’enfants qui sont scolarisés, et c’est un fléau qui, au final, tue nos enfants. »
L'attitude du ministre a été saluée par les associations de victimes. « On sent chez Gabriel Attal une vraie volonté puisqu’il a quand même parlé de la problématique du harcèlement scolaire en dehors de l’actualité, Gabriel Attal a toujours parlé du harcèlement scolaire depuis qu’il a pris ses fonctions, donc on a cette sensation qu’il a une vraie volonté de faire quelque chose pour lutter contre ce fléau, et on espère simplement que nos déceptions ne seront pas à la hauteur de nos espoirs justement, a souligné Laurent Boyet. Donc on attend, on attend ce qu’il va nous annoncer. »
« Le fait qu’il ait pris la parole, qu’il ait appelé la famille, pour moi, c’est un signe fort quand même, a également salué Nora Fraisse, fondatrice de l'association Marion la main tendue. Après, on a besoin de savoir comment on va pouvoir accompagner un peu plus les familles et les élèves, et avoir des moyens supplémentaires pour que ça n’arrive plus. Parce qu’on a vraiment des signalements de plus en plus nombreux de familles qui sont désemparées du harcèlement qui sévit, malheureusement dès le plus jeune âge dans nos établissements. Donc j’espère que le plan annoncera des moyens humains, des moyens financiers, vraiment à la hauteur de ce million d’enfants qui souffrent chaque année. Il faut que les familles aient des réponses adaptées et rapides, et que la justice suive. »
À lire aussi DÉBAT DU JOUR Comment lutter contre le harcèlement scolaire?
Depuis cet été, de nouvelles mesures ont été prises pour lutter contre le harcèlement scolaire. Selon un décret publié mi-août, un élève responsable de harcèlement scolaire pourra désormais être transféré dans une autre école, évitant d'imposer ce changement à celui qui en est victime. Il est également prévu de pouvoir sanctionner un auteur de cyberharcèlement contre un élève d'un autre établissement. Gabriel Attal a déjà assuré vouloir une « tolérance zéro contre toutes les formes de harcèlement ».
Dès cette rentrée, un référent sur le harcèlement « dans chaque établissement » doit être créé. Les établissements scolaires devront également signaler « systématiquement » aux procureurs les cas de harcèlement.
Le programme Phare de lutte contre le harcèlement, mis en place en 2019 et expérimenté pendant deux ans dans six académies, a été généralisé à la rentrée 2022 dans toutes les écoles et collèges. Selon le ministère de l'Éducation, 91% des collèges et 64% des écoles sont aujourd'hui inscrits dans ce dispositif.
Brigitte Macron va rendre visite ce jeudi à la famille de l'adolescent, a annoncé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.
(Et avec AFP)