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Côte d’Ivoire: les habitants de Lahou-Kpanda découvrent «Aya», film sur leur village et leur culture

Dans le sud de la Côte d’Ivoire, les habitants de Lahou-Kpanda ont assisté à la projection d’Aya, du réalisateur français Simon Gillard. Un film tourné dans leur village et qui documente le péril que représente la montée des eaux pour ses habitants et leur culture avikam.

De notre envoyé spécial à Lahou-Kpanda, François Hume-Ferkatadji

Après avoir parcouru les festivals du monde entier, le film Aya du réalisateur français Simon Gillard a été projeté dans le village de Lahou-Kpanda, dans le sud de la Côte d’Ivoire devant un peu plus de 500 personnes.

Lahou-Kpanda est le décor unique du long métrage et les acteurs sont originaires de ce village. Celui-ci est menacé par la montée des eaux en raison de divers facteurs naturels et liés à l’activité humaine.

« Quelqu’un qui est au village, qui ne voit pas son avenir, sa maman l’oblige à partir »

Après la projection, les habitants espèrent que des fonds pourront être débloqués pour le sauver. Sur la place du village – entre lagune et océan – des dizaines d’enfants prennent place 3 heures avant la projection. Un générateur et un grand écran ont été installés pour l’occasion. Lorsque la lune luit dans un coin du ciel, le film débute avec le son sourd du fracas des vagues à l’écran comme en dehors.

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A chaque apparition d’un membre de la communauté – le vieux sage comme l’espiègle Aya – les mêmes rires résonnent dans le public. Mais au-delà de l’amusement de se voir porter à l’écran, les questions soulevées par le film provoque la discussion et parfois l’effroi. Comme la vision du cimetière du village détruit par les habitants pour protéger les défunts de la montée des eaux. Jeanne Befele, l’une d’entre eux, explique : « Par rapport à l’embouchure, avec ce qui s’est passé… les cimetières qui cassent tout ça là. Nous on cherche des gens pour nous aider à creuser l’embouchure pour que le village revienne comme avant. »

L’embouchure du fleuve Bandama, autrefois à plusieurs kilomètres, grignote désormais le flanc est du village. Un phénomène naturel menaçant, auxquels s’agrègent d’autres difficultés pour les habitants – pêcheurs pour la majorité – comme la raréfaction du poisson. « Quand ils voient qu’ils n’en ont pas assez, ils préfèrent ne pas vendre, mais partager pour manger », explique une autre habitante, Viviane Koffi.

Des difficultés, insurmontables pour certains, qui décident de partir. Hervé a lui-même quitté la bande de sable pour Grand-Lahou, de l’autre côté de la lagune Tagba : « Quelqu’un qui est au village, qui ne voit pas son avenir, sa maman l’oblige à partir en ville. Le film englobe tout, ça fait voir toutes les facettes. »

« C’est peut-être le seul film de l’histoire du cinéma avec une héroïne avikam »

Le réalisateur français Simon Gillard surnommé « Coulibaly » s’est passionné pour les territoires ruraux d’Afrique de l’Ouest, il prépare un prochain film à Sao-Tomé-Et-Principe.

Après la projection, le cinéaste a défendu son choix du docu-fiction. Une façon, pour lui, de documenter la culture et la langue avikam, l’ethnie des 10 000 habitants de Lahou-Kpanda.

« La raison d’être du film, c’est la réalité, la réalité documentaire sur laquelle il n’y a pas de fictions à ajouter, c’est-à-dire une île de plus de 15 000 habitants qui disparaît sous l’assaut des vagues. C’est la perte du territoire, c’est la perte de l’identité, la perte de sa langue. Et tout cela, appartient à tous les personnages du film. Il n’y a aucune pièce rapportée. Et le scénario non plus n’est pas une pièce rapportée. »

Ce breton d’origine poursuit : « Je n’ai pas écrit le scénario en Europe pour venir l’appliquer ici. Là où il y a du scénario, c’est surtout dans le fait d’avoir réécrit des histoires que j’ai entendues : l’histoire d’un oncle, l’histoire d’un voisin qui m’a parlé de son vécu. Et j’ai voulu le mettre dans le film, la seule façon de le mettre dans le film, c’est de le faire vivre à mon héroïne Aya, et c’est là que le scénario intervient. C’est-à-dire qu’Aya supporte les histoires de toute sa communauté et devient la porte-parole de la communauté avikam. Et ma plus grosse fierté, c’est que ce film, c’est peut-être le seul film de l’histoire du cinéma avec une héroïne avikam. C’est intéressant de donner cette diversité de vision et d’identité sur le grand écran. »