Un déchaînement de violence inouï, inédit, en Cisjordanie occupée. La nuit dernière, des centaines de colons israéliens ont attaqué la ville palestinienne de Huwara, au sud de Naplouse. En Israël, les militants anti-occupation dénoncent un « pogrom ». Des dizaines de maisons et de voitures ont été incendiées. Bilan : un Palestinien tué, une centaine de blessés. Les colons israéliens se sont donc faits justice eux-mêmes, après la mort de deux des leurs, tués dimanche par un Palestinien.
Avec notre envoyé spécial de retour de Huwara, Sami Boukhelifa
Huwara s'est réveillé groggy, après une nuit de terreur. Les rues sont toujours désertes. L'armée israélienne est postée aux entrées de la ville.
Sur la rue principale, les façades de certaines maisons sont noires. Léchées par les flammes durant des heures, quelques-unes fument encore.
Mahmoud, est là, déboussolé, planté entre son magasin partiellement dévasté et sa voiture calcinée.
Ils ont mis le feu à l'entrée, dévasté mon bureau, mais ils ne sont pas parvenus à pénétrer dans le reste de la boutique. Ils ont aussi brûlé ma voiture, et détruit les caméras de vidéosurveillance. Regardez, ils ont cassé toutes les caméras. Mais je pense que mes caméras ont dû filmer leur arrivée.
« Où sont les droits de l'homme ? »
Son téléphone toujours à la main, Abderahmane, 22 ans, a documenté les violences de cette nuit, comme il le fait à chaque attaque de colons. Depuis des mois, les agressions contre les Palestiniens de Huwara sont quasi quotidiennes.
Mon message au monde entier : réveillez-vous ! Les pays arabes : réveillez-vous ! Ce n'est pas juste Huwara, c'est toute la Palestine qui vit un calvaire. Tous les jours, des personnes sont tuées. La semaine dernière, onze Palestiniens ont été tués à Naplouse. L'armée israélienne y a mené un raid meurtrier, en plein jour. Il n'y a pas de lois internationales pour interdire ça ? Où sont les droits de l'homme ? Que font les pays arabes face à ces agressions, ici dans la région de Naplouse, et dans tout le reste de la Palestine ?
À partir de ce lundi, Huwara restera bouclée pour trois jours. « L'armée nous soumet à un confinement forcé », se désole Abderahmane. « Comme à chaque fois, les colons commettent des crimes, et ce sont les Palestiniens qui payent », dit le jeune homme.
► Qui sont les colons qui ont attaqué Huwara ?
Les colons qui ont attaqué venaient principalement de Yitsar, une colonie israélienne qui surplombe Huwara. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Notre envoyé spécial permanent est allé à leur rencontre.
Garde armé d’un fusil d’assaut, barrière métallique, caméra de surveillance. C’est là à Yitsar, que vit depuis 16 ans David Fedida. Franco-israélien, père de onze enfants, il a suivi les événements de ces derniers jours, minute par minute. L'expédition punitive, menée par les siens, des colons juifs, contre toute une ville palestinienne « est justifiée », dit cet ancien parisien qui décrit ses sentiments: « la colère, la douleur et le besoin de vengeance ».
« Il faut être dur, ferme pour faire passer son message » explique ce quadragénaire. Huwara a vécu une nuit d’horreur. Ce n’est pas encore assez dit-il. « Ça doit être une réponse nationale, ça doit être le gouvernement, le pays qui doit taper sur la table. »
Et pourtant conclut-il : « Nous sommes prêts à vivre en bons voisins avec les Palestiniens. Ils doivent accepter la paix ». Mais dans quelles conditions la paix est-elle possible avec le gouvernement israélien actuel ? Composé de ministres suprémacistes juifs, annexionnistes, eux-mêmes issus des colonies, et qui incitent ouvertement à la violence contre les Palestiniens...