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Cinéma: «L'Eden» du réalisateur colombien Andrés Ramírez Pulido, loin du paradis

Le film, qui sort ce mercredi 22 mars sur les écrans français, nous arrive de la Semaine de la critique à Cannes en 2022, où il a obtenu le Grand prix et prix SACD. Dans ce deuxième long-métrage, Andrès Ramirez Pulido interroge la possibilité de l'oubli, ou du moins de tourner la page d'un lourd passé.

Ce mois de mars 2023, trois films colombiens de jeunes réalisateurs, mettant en scène des adolescents des rues, sortent sur les écrans. Dans L'Eden, les deux protagonistes sont de vrais criminels. Ce sont les toutes premières images du film : les deux adolescents alcoolisés organisent la nuit un guet-apens, tuent un homme et cachent le corps. On saura qui est l'homme en question et qui ils voulaient tuer en réalité bien plus tard dans le récit. Générique, puis sans transition, on retrouve Eliú, l'un des protagonistes du meurtre, le regard perdu dans la contemplation d'une piscine où flottent, sur l'eau glauque, fruits pourris et branchages...

Des comédiens non professionnels 

La vie de la communauté dans laquelle Eliú a été transféré pour purger sa peine s'organise beaucoup autour de cette piscine boueuse, comme un symbole de la fange dans laquelle ces gamins ont vécu, et du travail qu'ils doivent effectuer pour la récurer, qu'elle redevienne propre et l'eau claire... comme eux. Les adolescents doivent remettre en état la belle propriété, en ruines, dans laquelle ils vivent. Un labyrinthe vert étouffant, comme la forêt qui l'entoure. Ce fut une belle hacienda dont les murs sont désormais couverts de mousses et de salpêtre, dont les carreaux brisés des fenêtres laissent entrer la végétation. Autrefois, il y a eu là un kiosque à musique et les robinets étaient en or, racontent les jeunes qui rêvent d'y organiser des fêtes avec filles et came à volonté.

Jhojan Estiven Jimenez est Eliú dans le film de Andrès Ramirez Pulido. La plupart des comédiens sont des acteurs non professionnels. Eliú, visage fermé, front toujours baissé, porte la conscience de sa culpabilité.
Jhojan Estiven Jimenez est Eliú dans le film de Andrès Ramirez Pulido. La plupart des comédiens sont des acteurs non professionnels. Eliú, visage fermé, front toujours baissé, porte la conscience de sa culpabilité. © Pyramide films

Outre le labeur physique proprement dit, ils doivent aussi faire un travail sur eux-mêmes. C'est Alvaro, le chef de groupe, qui l'anime : séances de relaxation, de méditation, coaching pour expulser les « énergies noires ». Pas de violence physique, mais des questionnaires serrés dans lesquels les adolescents doivent se reconnaître qui voleur, qui assassin, tous menteurs, drogués, bâtards... Alvaro, symbole d'une autorité relativement bienveillante, est lui-même un ancien délinquant qui tente de maîtriser ses propres démons. Interprétation magistrale de Miguel Viera Zamudio (que l'on avait déjà vu dans Pájaros de verano) et en règle générale des protagonistes du film qui ne sont pas des acteurs professionnels. Parmi ces démons, chez tous, une constante : la violence et l'instabilité du milieu familial, une haine du père et un amour inconditionnel de la mère. Des adolescents, fruits et victimes d'une société déstructurée même si le contexte social et politique n'est pas explicité.

« l'Invisible »

Avec l'arrivée de son complice El Mono dans le centre, la relative harmonie qui régnait dans le groupe et la paix que semblait avoir trouvé Eliú, s'effritent peu à peu. El Mono refuse de jouer le jeu d'Alvaro et de se prêter à ses exercices de thérapie bricolée. Eliú revoit la nuit dans ses cauchemars la scène du crime et évite son ancien camarade... Une reconstitution du meurtre est organisée en présence de la famille de la victime - dont le corps n'a pas été retrouvé - et des deux jeunes délinquants. Une victime qui avait précisément pour surnom « l'Invisible », parce qu'un jour, il avait eu une révélation et que sa vie avait basculé. Ancien délinquant, il était devenu un homme rangé.

Qu'a-t-il vu ? Pourquoi son corps a-t-il disparu dans la grotte ? Andrès Ramirez Pulido ajoute une dimension de mystère voire de spiritualité à son récit. Il y a donc une rédemption possible ? Est-il est possible de s'arracher à « La meute », le titre originel du film (La Jauria) ? Chaque adolescent a son mantra qu'il récite. Celui d'Eliú se termine par « J'ai décidé d'être un homme nouveau »... 

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