Niger
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À Dakar, une exposition dédiée aux victimes du régime de l’ex-président gambien Yahya Jammeh

Une exposition itinérante, celle de la « Memory House » de Banjul, fait escale à Dakar. Cette « maison de la mémoire », ouverte en Gambie en octobre 2021, est un lieu dédié aux victimes du régime de l'ex-président Yahya Jammeh. Après 22 ans au pouvoir, il a été contraint à l’exil en janvier 2017 et vit aujourd'hui en Guinée équatoriale. Aneked, le Réseau africain contre les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, à l’origine de la « Memory House », veut faire voyager ce projet à travers le monde.

Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac

« Ne jamais oublier », « plus jamais ça », martèle Awa Njie qui a perdu son mari en 1994. Accusé de complot, le soldat Abdulie « Dot » Faal a été exécuté par les forces armées gambiennes : « Il y a ceux qui ont été tués, ceux qui ont été obligés de boire une décoction toxique, ceux dont les corps ont été coupés en morceaux et jetés aux crocodiles... La Memory House est très importante pour moi : elle montre aux gens que cela est vraiment arrivé. »

Dans l’exposition : des objets personnels des victimes, des textes pour raconter leurs histoires, des portraits de leurs proches... La photographe Cécilia Wuday Sanyang montre celui de Musa Camara. Il avait 14 ans quand son père, accusé d’être un sorcier, a été emmené : « Musa a dû abandonner l’école à cause du traumatisme. Aujourd’hui encore, les victimes ont du mal à parler après ce qu’ils ont vécu. »

Malgré la proximité – géographique, culturelle – avec la Gambie, l’histoire des années Jammeh reste mal connue au Sénégal, souligne Elimane ElGueye d’Amnesty International, partenaire d’Aneked : « Il faudra juste mieux faire passer le message pour conscientiser, pour que les Sénégalais aussi s’imprègnent de cette histoire, parce que personne n’est à l’abri... »

« On veut continuer à aller dans d'autres pays »

Nana-Jo Ndow est la fondatrice de l’organisation Aneked. Son père, Saul Ndow, très critique à l’égard du régime de Yahya Jammeh, a disparu de force en 2013. Pour elle, il est essentiel de partager les histoires des victimes en attendant un éventuel procès de l’ancien dirigeant gambien.

Le passeport de Saul Ndow (le père de Nana-Jo Ndow) disparu de force et tué en 2013, l'un des objets personnels des victimes donnés à la Memory House.
Le passeport de Saul Ndow (le père de Nana-Jo Ndow) disparu de force et tué en 2013, l'un des objets personnels des victimes donnés à la Memory House. © Charlotte Idrac/RFI

« Il est vraiment important de faire la tournée de Memory House, que ce n'est pas juste une collection d'objets musée statique, souligne-t-elle. C'est un outil de guérison, ça inspire les jeunes à dialoguer, à un dialogue constructif. On veut continuer à aller dans d'autres pays où il y a soit des victimes du régime ou une grande diaspora gambienne. Donc, on espère aller au Ghana avec les victimes ghanéennes, on espère aussi aller aux Nations unies, on espère aussi la Suède, car il y a énormément de Gambiens en Suède ».

Elle poursuit : « Et puis on lance aussi un appel à l'action pour que les gens veuillent se joindre à nous, dans notre combat pour la vérité, la justice, la responsabilité. Nous avons eu les recommandations de la commission Vérité. Le gouvernement a accepté la majorité des recommandations. Donc, c'est un pas en avant. Il y a maintenant une discussion d'une cour hybride pour juger les auteurs de crimes sous le régime de Yahya Jammeh. On essaye vraiment de pousser pour qu'il y ait un procès au Ghana. On sait que ça ne va pas se faire du jour au lendemain, c'est un marathon, ce n'est pas un sprint. » 

L’exposition itinérante, la Memory House de Banjul est à découvrir à l’espace Loman Art jusqu’à samedi 18 mars.